mercredi 19 septembre 2007

Comment l’argent fait le bonheur (1/4)

Sécurité, sérénité et courtoisie

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

À l’abri des soucis du monde ordinaire

L’existence des grands bourgeois est exempte des conséquences désagréables des vicissitudes de la vie quotidienne. Lorsque la Mobylette de Carole, la jeune ouvrière du film de Lucas Belvaux, la Raison du plus faible, tombe en panne et rend l’âme, c’est un drame qui enclenche un engrenage funeste. Irréparable, il est impossible de la remplacer dans l’immédiat, c’est trop cher. Prendre le bus pour aller au travail, c’est une heure de transport en plus chaque jour. Lne règle pas tous les problèmes, mais il ne faudrait pas des sommes folles pour résoudre celui-ci. Pour aider leur copine, ses amis tentent de se procurer l’argent nécessaire dans un braquage qui tourne mal. Cette fiction, construite avec vraisemblance parce qu’elle met en scène les multiples agressions et blessures d’une vie rendue précaire par la faiblesse des ressources, ne fait que porter à son paroxysme la logique d’existences sans espoir.
La panne de la Mobylette, de la voiture ou le vol du vélo, comme dans le Voleur de bicyclette, de Vittorio De Sica, la fuite d’eau à la cuisine, le chéquier volé, tous ces petits ennuis empoisonnent l’existence des plus modestes, en grignotent le temps et accumulent les préoccupations et les soucis, sources d’inquiétudes et d’angoisses. Alors qupeu d’argent disponible permettrait de prendre le taxi, ou d’appeler un artisan pour faire une réparation. Le temps des plus riches, lui, est libéré de ces tracas les plus mesquins mais aussi les plus envahissants.
L’absence d’argent conduit à un gaspillage de temps systématique. Les voyages par avion se sont diffusés, mais pour les moins fortunés de ceux qui peuvent les emprunter, y avoir accès suppose plus de temps et de fatigue. Aller de Paris à Montréal peut se faire en prenant un bus à la porte Maillot pour l’aéroport de Beauvais d’où, après une nuit au confort précaire dans une salle d’attente, un avion assure le transfert à Dublin. Là un nouveau vol permet d’atteindre New York où il faut prendre un troisième avion pour arriver enfin à Montréal. Ces vols « low cost », comme on dit dans le franglais à la mode, transforment un voyage en épreuve, même si leurs « bas coûts », en français, les rendent plus accessibles.
L’argent permet d’acheter des services. Les soucis du foyer, du ménage, du jardinage sont sous-traités à un personnel domestique qui prend en charge les tâches désespérément récurrentes de la maison. Pour les plus aisés, le chauffeur affronte solitairement les embarras de Paris quand le patron, assis à l’arrière, consulte les cours de la Bourse dans le Figaro. Le savetier et le financier n’ont pas les mêmes soucis.
Tout jeune ménage modeste sait combien un enfant met aux normes : horaires stricts, suivi médical du bambin, promenades. Beaucoup de plaisirs, certes, mais aussi un amoncellement de contraintes. Être à l’heure avant la fermeture de la crèche ou de l’école devient une obsession. Dans les familles de la bourgeoisie, les jeunes filles au pair et les nurses de nationalité étrangère font réviser leurs leçons aux enfants et leur apprennent leur langue. Elles les emmènent au jardin public.
Le personnel de service permet de donner aux journées toute leur plénitude. Être servi est l’un des privilèges sociaux les plus marquants de la richesse. Le temps n’est pas le même pour tous. Ces emplois domestiques sont encouragés et financés en partie par - l’État. L’emploi, au domicile privé, de salariés pour des tâches à caractère familial ou ménager (employé(e) de maison, garde d’enfants, soutien scolaire…), en particulier dans le cadre du chèque emploi-service universel (CESU), ouvre droit à une réduction d’impôts égale à 50 % des salaires payés et des cotisations correspondantes, dans la limite de 12 000 euros par an, pouvant être augmentés de 1 500 euros par enfant à charge, le plafond cumulé étant de 15 000 euros. Une famille fortunée avec deux enfants pourra donc récupérer la moitié des 30 000 euros premiers euros que lui aura coûté son personnel, la dépense réelle totale n’étant pas limitée. Une jolie contribution des finances publiques à l’agrément d’une vie libérée des servitudes du monde ordinaire. De plus, cette réduction d’impôts apparaît comme parfaitement justifiée puisqu’elle s’inscrit dans la lutte contre le chômage.
Au début du XXe siècle, l’effectif employé dans une grande maison pouvait atteindre les trente personnes. La raréfaction des domestiques depuis les conquêtes sociales du Front populaire en 1936 a été compensée par le recours aux traiteurs, par les livraisons à domicile et par les sociétés de services spécialisées dans le ménage ou le jardinage. Avec l’augmentation du nombre des riches et du niveau de leurs richesses des cartes bancaires sont apparues, accessibles sous conditions de ressources élevées. Elles offrent des services en tout genre dont l’objectif est de faire gagner du temps aux clients. Depuis l’achat de billets d’avion, la réservation de places au théâtre ou à l’Opéra jusqu’à des prestations exceptionnelles, comme obtenir une table à la Tour d’argent un jour de grande affluence ou pouvoir jouer une partie de tennis avec le champion de l’année.
Les services à la personne se multiplient et, la concurrence devenant vive dans ce secteur, de nouvelles formules apparaissent, accessibles 24 heures sur 24, 365 jours par an. Les conciergeries de luxe sont des officines prêtes à répondre aux demandes les plus difficiles à satisfaire, comme de trouver pour un collectionneur un exemplaire d’une montre de l’avant-guerre rarissime. Certaines agences immobilières vendent aujourd’hui, surtout aux grandes fortunes étrangères, de très beaux appartements ou des hôtels particuliers avec le personnel d’entretien et de gardiennage en place, prêt à prendre le service.
Être servi, c’est être reconnu
Les marques de déférence et de respect, les signes du pouvoir et de la notoriété sont innombrables. « Bonjour monsieur le marquis », dit la boulangère du village au châtelain venu passer le week-end dans la maison de ses ancêtres. « Monsieur le directeur », « monsieur le président », « maître », et le rituel « Madame est servie » : les manières de manifester au puissant que l’on connaît et respecte sa position ne manquent pas. Les intéressés en retirent la confirmation récurrente de leur poids social, de leur valeur et de leurs mérites.
Être considéré et traité en permanence comme une personne exceptionnelle et unique donne une solidité qui aide à affronter les aléas avec calme, maîtrise de soi et courtoisie. La colère, l’injure, la violence sont plutôt de l’autre côté de la société, là où la vie est dure et ne cesse de vous rappeler votre insignifiance. Camilo José Cela l’a excellemment écrit dans la Famille de Pascal Duarte : « Nous, mortels, nous avons tous en naissant la même peau, mais à mesure que nous grandissons, le destin se plaît à nous diversifier, comme si nous étions de cire, et à nous mener par des sentiers multiples vers une seule fin : la mort. Il y a des hommes qui doivent prendre le chemin des fleurs, pendant que d’autres sont poussés à travers chardons et nopals. Les uns possèdent un regard tranquille et, au parfum de leur bonheur, ils sourient d’un visage innocent ; les autres, accablés du soleil violent de la plaine, se hérissent comme la vermine pour se défendre. D’un côté, pour embellir son corps, le fard et les parfums ; de l’autre, les tatouages que nul ensuite n’est capable d’effacer… » La politesse des dominants en impose et elle va permettre, surtout lorsqu’elle est associée à des corps qui affirment l’excellence, le passage de la domination économique à la domination symbolique.

Comment l’argent fait le bonheur (2/4)

La richesse faite corps

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

La richesse doit s’inscrire dans les corps pour achever sa métamorphose : les propriétés extérieures à la personne doivent être perçues comme des qualités de la personne elle-même. Tout en fondant une assurance de soi exceptionnelle, cette métamorphose, en modelant les corps et les comportements, crée des signes de reconnaissance entre pairs.

La position sociale s’inscrit dans les corps

La position sociale, en s’inscrivant dans les corps, induit une sorte de seconde nature. L’idéologie du sang bleu de la noblesse en était une manifestation, pas si fausse que cela puisque, à travers tous ses privilèges, cette caste avait pu acquérir des qualités rares et transmissibles par l’éducation, légitimées comme dons de naissance. L’idéologie du don est le produit de cette ignorance, souvent intéressée, de l’origine des qualités, et des défauts, d’agents sociaux qui sont en réalité le produit de leur histoire. En tranchant en faveur de l’inné contre l’acquis, du génétique contre le culturel, les notions de noblesse et de don insistent sur l’existence d’une essence spécifique, d’une personnalité originelle dont les vertus et les imperfections renverraient d’abord aux potentialités inscrites de manière naturelle dans l’individu dès sa conception.
Cette naturalisation des qualités sociales, leur attribution non plus à l’efficacité des apprentissages et à l’excellence du milieu familial, mais à l’hérédité d’une humanité à part, d’une autre essence, conduit à l’idéologie du sang bleu, thème raciste inversé qui fait des nobles (et aujourd’hui de l’aristocratie de l’argent) une espèce supérieure, de nature différente. Dans le champ politique, les positions de droite penchent du côté du génétique. Les délinquants sexuels présenteraient ainsi un héritage génétique spécifique. À l’opposé, la tradition de gauche attribue plus volontiers ce type de délinquance à de mauvaises conditions sociales, économiques, avec des problèmes de promiscuité et d’échec éducatif et scolaire.
Le « naturel » de ce qui est en réalité le produit d’une éducation, des facilités, ou des difficultés d’un milieu, est également convoqué dans les classes moyennes intellectuelles. On se doit d’être décontracté, pas guindé, pas coincé. On doit présenter un corps hédoniste et sans contrainte. La cravate est vécue comme un carcan insupportable. Les classes populaires, elles, alternent de manière contrastée entre la tenue de travail ou quelconque et celle, soignée, du dimanche.
Une ouvrière de Cellatex, une usine de la vallée de la Meuse, dans les Ardennes, ayant participé à une table ronde télévisée, en compagnie de cadres, de hauts fonctionnaires et de journalistes, a confié son désarroi à François Bon, qui l’a citée dans son récit Daewoo. « Moi, ce qui m’énerve, déclarait-elle, ce sont nos tronches. La différence, qu’on en porte autant sur soi-même, de ce qu’on est et de ce qu’on fait. On peut faire des efforts, courir les soldes, les démarques. Tu en reviendras au même : une manière des épaules, de tenir les mains ou le sac quand tu marches. »
Mais que le corps soit redressé et discipliné, comme dans les familles de la haute société, qu’il soit décontracté, comme dans les classes moyennes intellectuelles, ou qu’il exprime des conditions de vie et de travail difficiles en milieu populaire, chacun vivra cette présentation de soi et cette gestion du corps comme exprimant une réalisation de son essence. Les inculcations les plus arbitraires et les plus contraignantes finissent, lorsqu’elles sont efficacement menées, par être ressenties comme une exigence de la personne elle-même, dans son authenticité unique, qui peut devenir charme et pouvoir charismatique.

Les inégalités face aux soins du corps

Le corps porte les stigmates, positifs ou négatifs, de ses origines et de ses conditions de vie. Les mains ouvrières montrent les traces de leur travail. Celles des princesses manifestent aussi le travail, mais celui de la manucure. Les visages révèlent les conditions difficiles ou confortables de l’existence : les traits tirés et les rides précoces, pour les uns, les peaux toujours légèrement hâlées et lisses pour les autres.
Les caricaturistes dessinaient, autrefois, des capitalistes rondouillards, rebondis comme les sacs de dollars de l’oncle Picsou. Cette tradition se perd : croquer le riche d’aujourd’hui sous les traits d’un gros bedonnant serait un contresens. Au XIXe siècle, le patron était gras, repu, l’ouvrier, maigre, ne mangeait pas toujours à sa faim. L’élévation du niveau de vie s’est traduite d’abord par l’accès des familles les plus modestes à un régime alimentaire de plus en plus riche, tandis que les classes aisées prenaient conscience de la nécessité de surveiller leur alimentation : la diététique fit son apparition. Et les corpulences se sont inversées, au point que l’obésité, problème de santé majeur dans les pays riches aujourd’hui, y menace en priorité les pauvres, certes à l’abri de la faim, mais dans l’impossibilité monétaire et dans une certaine mesure culturelle de s’alimenter de manière à éviter ce mal moderne. Aux États-Unis, la population noire, statistiquement la plus pauvre, est la plus atteinte. En France, les jeunes générations commencent à être marquées, et notamment parmi les enfants de l’immigration qui connaissent des conditions de vie difficiles. Les diététiciens qui, sur les ondes, conseillent de manger cinq fruits et légumes différents chaque jour n’ont sans doute pas conscience qu’une telle alimentation est hors de prix pour les familles modestes.
Pendant ce temps, dans les grands restaurants, la nouvelle cuisine a pris le pouvoir : les immenses assiettes dégarnies sont la règle, qui met en scène une cuisine savante mais où la quantité est un critère négatif. Une alimentation devenue modérée pour une population qui, depuis longtemps, ignore la faim et a expérimenté les méfaits de la suralimentation.
Le corps est encore marqué par la présence ou l’absence de pratique sportive. La grande bourgeoisie n’en a pas l’exclusivité. Mais elle l’inscrit dès le plus jeune âge dans le mode de vie, et ses écoles, celle de Roches à Verneuil-sur-Avre pour exemple, lui donnent une grande place, allant jusqu’à lui réserver les après-midi. Avec des pratiques socialement marquées : le tennis, la voile, le cheval, le golf, l’alpinisme ne sont pas des disciplines particulièrement populaires. Les grands cercles parisiens disposent d’installations sportives, courts de tennis, piscines, salles de gymnastique ou d’escrime.
L’éducation du corps dès la petite enfance est l’affaire du milieu familial. Il s’agit d’apprendre à maîtriser son corps et à le présenter toujours de la manière la plus avantageuse. Se tenir droit est un principe qui ne se discute pas. L’apprentissage des manières de table et des danses de salon complète ce dressage du corps qui accède à l’élégance du geste et au plaisir de lui-même. Le corps est ainsi un autre capital, qui permet de convaincre les autres de l’excellence de la personne qui l’habite. Ldes mouvements et des postures autorise un rapport détendu aux autres et impose la reconnaissance d’une certaine supériorité.
L’habitat grand bourgeois est à la mesure des corps théâtralisés qui s’y meuvent. Généreux en espaces, permettant la mise en scène heureuse de corps faits pour la société, au sens d’assemblée, pour la représentation et les mondanités. La description de la villa louée pour le président Sarkozy et sa famille donne une idée de ces demeures faites pour recevoir, pour rencontrer et gérer les relations sociales. Les corps y sont choyés, disposant de salles de bains à profusion et d’une plage privée pour la baignade. Les soins que réclament ces « corps d’élite » sont exigeants. Le suivi médical de ces corps est à leur image : très soigné. Les franchises à l’ordre du jour pour les soins médicaux doivent faire sourire à Neuilly. Les riches habitants de cette commune, où est implanté le très chic et très cher Hôpital américain, ont l’habitude de faire ce qu’il faut pour être soignés dans de bonnes conditions, même si le remboursement n’est que partiel. On ne lésine pas sur les soins dentaires, même lorsqu’ils relèvent d’une préoccupation esthétique. À l’opposé, les dentures des plus démunis sont souvent en deuil. Paradoxalement, les corps les plus maltraités par le travail sont aussi les plus mal soignés.
Le paradoxe est le même en ce qui concerne les vacances. Elles sont un moment bien utile et nécessaire pour des corps fatigués et usés. Elles sont une parenthèse agréable et joyeuse pour des corps déjà choyés. Pourtant l’INSEE nous apprend que 21 millions de Français, un tiers de la population, n’ont pas pris de vacances, principalement pour des raisons financières. Or, par vacances, il faut entendre les déplacements d’agrément d’au moins quatre nuitées consécutives. Une définition modeste qui met en évidence là aussi de profondes inégalités.
Mais il en est une encore plus profonde, qui implique le rapport à la mort devant laquelle nous sommes loin d’être égaux.

Comment l’argent fait le bonheur (3/4)

Les inégalités face à la mort

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

Le sens commun proclame volontiers l’égalité de tous devant la mort. La fortune est censée ne pas pouvoir s’emporter dans la tombe. Toutefois, la richesse porte en elle les germes d’une forme d’immortalité symbolique qui peut aider à accepter la finitude humaine et à affronter l’inéluctabilité de la disparition de ses proches et de la sienne propre.

L’immortalité symbolique

L’espérance de vie est très inégale selon les groupes sociaux, ce qui tient aux conditions de travail et aux inégalités dans les soins apportés aux corps. Toutefois, même les grands bourgeois finissent par mourir. Mais pas tout à fait : ils bénéficient d« immortalité symbolique ». De quoi s’agit-il ? Pour qu’il y ait transmission et réception de l’héritage dans de bonnes conditions, il faut qu’il existe une lignée, c’est-à-dire une solidarité et une continuité entre les générations. La passation des patrimoines suppose des héritiers, formés pour recevoir cet héritage, soucieux d’assurer la transition et de léguer eux-mêmes à leur tour. La croyance dans l’exceptionnalité du destin de la lignée, une certaine idéalisation et même une sacralisation de la famille sont au principe des transmissions réussies. Celles-ci sont dans la logique profonde du système capitaliste dont la ruée et la reproduction s’appuient sur des structures familiales solides, capables de résister aux vicissitudes économiques et politiques.
Les liens entre les vivants et les morts se tissent dès le plus jeune âge. Nombre de nos interviewés nous ont évoqué leurs ancêtres avec émotion devant leurs portraits, leurs objets personnels, les meubles au milieu desquels ils vécurent. Tel fauteuil était celui que préférait un arrière-grand-père dont on connaît la biographie et qui choisissait ce siège pour sa lecture d’après le déjeuner. Les disparus gardent ainsi une présence vivante, qui leur permet d’accéder au statut d’ancêtre. C’est la condition pour que la richesse accumulée puisse se muer en patrimoine transmis et à transmettre. La mort n’est pas tout à fait la même lorsqu’elle vient prendre place dans la succession de générations qui forment une chaîne appuyée sur un patrimoine qui en est le produit et le soutien. De son vivant l’héritier, qui à son tour va transmettre, sait que son souvenir sera revivifié de multiples façons, par son portrait dans la galerie des tableaux de famille, par la fanfare de vénerie qui sera jouée à la fin des laisser-courre, par la lecture de ses Mémoires, par la transmission de la bibliothèque de livres anciens, passion du bibliophile, ou par celle de la collection de miniatures qu’un des - descendants aura plaisir à reprendre et à - continuer.

Cette immortalité n’est pas réelle, mais, même seulement symbolique, elle vaut mieux qu’un hypothétique au-delà, auquel par ailleurs elle n’interdit pas de croire. Elle n’a pas besoin de sépulture fastueuse, elle ne fonctionne pas dans la logique de la pyramide des pharaons. Le tombeau de James de Rothschild, au Père-Lachaise, fondateur de la branche française de cette illustre famille, est bien modeste en regard de son immense fortune. Mais, de son vivant, le baron James n’ignorait pas qu’il serait l’une des figures de l’histoire du XIXe siècle, et que, continuateur de la lignée commencée dans le ghetto de Francfort, allié aux branches fondées par ses frères aux quatre coins de l’Europe, la famille ne risquait pas de sombrer dans l’oubli. La simplicité du monument incite à penser que la dynastie Rothschild perdure au-delà de l’existence transitoire de ses membres et que c’est sur un mode essentiellement collectif, dans la pérennité d’un patronyme, que peut se construire cette dénégation de l’éphémère que proclament les grandes familles. D’où l’importance des châteaux construits par les Rothschild dans l’Oise ou en Seine-et-Marne, ou mieux encore des vignobles acquis dans le Bordelais. Le château est, par son apparente éternité, et par l’espace qu’il offre, le temple parfait de la mémoire familiale. La vigne, élément vivant du patrimoine, symbolise également la durée de la dynastie.

Demeures historiques, logements éphémères

Les sagas familiales s’appuient donc volontiers sur le château qui en matérialise la réussite et la durée. Monument historique classé par les services de l’État, il certifie la valeur illustre de ceux qui l’habitent. À l’autre extrémité de la société, le destin quelque peu tragique de ces tours ou de ces barres d’HLM, qui disparaissent dans les apocalyptiques volutes de poussière provoquées par leur implosion programmée, est significatif de la valeur patrimoniale de cet habitat : nulle. L’existence populaire est vouée au précaire et à l’éphémère. Il est logique que cet habitat soit provisoire : c’est en harmonie avec la condition de ceux qui ne font que passer sans laisser de traces, tout au moins de traces identifiables. Le travail de chacun se perd dans la masse du travail de tous, dans la multitude des tâches anonymes. Les historiens, qui s’appuient avant tout sur les traces écrites, accordent une place démesurée aux élites. « Rome la grande est pleine d’arcs de triomphe - qui les érigea ? » se demande Bertolt Brecht, avec une fausse naïveté, dans Ce que demande un ouvrier qui lit. Le jeune Alexandre, qui conquit les Indes, n’avait-il même pas un cuisinier à ses côtés, s’interroge-t-il, mettant en évidence l’égocentrisme de classe d’une histoire qui ne prend en compte que les personnages illustres.

L’usure du temps qui affecte les châteaux, les objets d’art et le mobilier n’est pas un affront mais un élément de prestige qui peut s’afficher avec ostentation : le temps permet d’être au-delà du périssable. L’usure ajoute même une bonification économique : alors que dans les autres milieux sociaux les maigres biens accumulés perdent leur valeur au fil des générations pour devenir très vite obsolètes et ne mériter que le sort peu enviable des objets encombrants abandonnés sur les trottoirs, la plupart des biens qui meublent l’espace de la vie quotidienne des grands bourgeois accèdent au statut d’objet d’art. Si bien que les familles finissent par habiter des maisons qui peuvent devenir telles quelles des musées, comme les hôtels particuliers de Nélie Jacquemart-André et de Nissim de Camondo, à proximité du parc Monceau, à Paris.

« La mémoire des pauvres, écrit Albert Camus dans le Premier Homme, déjà est moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise. Bien sûr, il y a la mémoire du coeur dont on dit quest la plus sûre, mais le coeur s’use à la peine et au travail, il oublie plus vite sous le poids des fatigues. Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches. Pour les pauvres, il marque seulement les traces vagues du chemin de la mort. Et puis, pour bien supporter, il ne faut pas trop se souvenir. »

Camus fait toutefois l’impasse sur la mémoire collective fondée sur les luttes sociales et politiques des travailleurs pour faire valoir leurs droits. Les syndicats et les partis qu’ils ont créés portent cette mission de transmettre la mémoire des luttes, qui est encore à l’origine d’une autre immortalité symbolique, celle de la classe.

Comment l'argent fait le bonheur (4/4)

L’argent fait-il le bonheur ?

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.
Le savetier plutôt que le financier !

La vulgate du sens commun affirme que l’argent ne fait pas le bonheur, mais… qu’il peut y contribuer. Faisant de nécessité vertu, on préfère croire que la richesse n’apporte pas la félicité mais plutôt des contraintes. Un certain dépouillement serait plus favorable à une existence libre et heureuse. Le financier de la fable de La Fontaine, « tout cousu d’or, chantait peu, dormait moins encore », alors que son voisin le savetier « chantait du matin jusqu’au soir ».
Ce lieu commun est repris dans une certaine presse écrite et audiovisuelle, autour des thèmes de l’enfer des riches, notamment avec les jeunes des beaux quartiers, tous accros à la cocaïne ou aux soirées folles et capricieuses. Les malheurs sentimentaux qui affligent les familles régnantes, les vedettes du show-business ou les étoiles du football alimentent les gazettes, qui illustrent aussi leurs articles des photographies de villas tropéziennes, de yachts interminables et de Ferrari rutilantes. Mais c’est pour mieux souligner combien les divorces, les maladies, les accidents viennent remettre à leur place cette opulence qui, de toute évidence, ne suffit pas au bonheur. La fortune n’est pas tout et elle peut s’accompagner d’une grande détresse. Décidément, pour reprendre une autre fable, « les raisins sont trop verts ». En sollicitant sa pitié et sa compassion, cette littérature détourne l’attention du lecteur populaire des inégalités qui se cumulent dans tous les aspects de vie sociale.
Une idée insupportable : le cumul !

Nombre de chercheurs en sociologie nous ont paru être plus intéressés par les échecs et les dysfonctionnements des dominants dans les processus de reproduction des rapports sociaux que par cette reproduction elle-même. La transmission se ferait mal, et un lieu commun est parfois présenté comme une loi : la première génération crée la fortune, la seconde la gère et la troisième la dilapide. Le capitalisme familial aurait disparu et l’économie serait maintenant aux mains des managers de fonds de pension et de fonds spéculatifs aux ramifications internationales.
L’idée du cumul des différentes formes de richesse est insupportable à ceux qui doivent souvent tout à leur capital scolaire. Ainsi les préjugés sur une prétendue infirmité culturelle des classes dominantes sont toujours présents. Les patrons de l’industrie, les femmes « du monde », les élèves de Janson-de-Sailly sont supposés, a priori, être des béotiens, des gens de peu de culture. On leur reconnaît difficilement des compétences artistiques, des goûts littéraires qui ne soient pas naïfs ou convenus. Le rapport aux choses de l’esprit serait purement mondain, donc superficiel. Ces représentations reposent sur un axiome : là où il y a beaucoup d’argent, il ne peut y avoir beaucoup de culture. Plus généralement, ce sens commun des classes moyennes intellectuelles leur permet de construire une représentation semi-savante du bourgeois comme être intellectuellement borné. Il est vrai que l’idée du cumul des diverses formes de capitaux au plus haut niveau peut avoir quelque chose d’irritant pour ceux qui ont été constitués dans des systèmes dichotomiques qui opposent la culture aux autres richesses. La richesse matérielle serait ainsi incompatible avec une pensée forte originale, les qualités littéraires et intellectuelles seraient antinomiques avec la beauté physique pour une jeune fille.
Or nombre de grands bourgeois sont d’authentiques esthètes, artistes, hommes de lettres ou savants. Michel David-Weil, associé gérant du groupe Lazard (grande banque privée internationale), est aussi président du Conseil national de la Réunion des musées nationaux, qui gère les achats d’oeuvres par l’État. Parmi les Rothschild, on trouve une danseuse classique et un auteur dramatique qui fut célèbre au début du XXe siècle. Nombre d’écrivains sont nés dans la « bonne » société, dont Jean d’Ormesson. Le prince Gabriel de Broglie fut prix Nobel de physique. La culture et l’argent ne sont pas incompatibles. Une certaine aisance financière de la famille est un facteur favorable à l’acquisition d’une culture multidimensionnelle, ne serait-ce que par la fréquentation des établissements scolaires offrant de très bonnes conditions d’études et un milieu de condisciples stimulant.
L’irrecevabilité est à son comble lorsque nous soulignons que les capitaux accumulés finissent par avoir des effets sur les personnes et que l’incorporation des manières, des savoirs et des savoir-faire symboliques modèlent les personnalités qui doivent une partie de leurs privilèges aux qualités réellement intériorisées, comme l’aisance en public. Il ne s’agit pas de réhabiliter la notion de don, mais de souligner le résultat de toute une éducation socialement efficace.
On est alors toujours surpris d’entendre parler, y compris par des sociologues, de « fin de race » à propos de nobles ou de grands bourgeois. L’expression de leur rejet de ce monde d’héritiers passe par la dépréciation de leurs corps, ce que recouvre l’usage du mot « race ». Il est même étonnant que ce mot soit utilisé alors qu’il est proscrit du langage sociologiquement ou politiquement correct. La « fin de race », c’est à la fois la reconnaissance d’un passé d’excellence sociale et l’affirmation, consolatrice, d’un présent de décadence. Le sarcasme et la plaisanterie sont des armes dérisoires face aux positions occupées dans la société par ceux dont, en fait, on reconnaît le pouvoir en essayant de les tourner en dérision.
Retour à la classe sociale ?
Les classes sociales sont à un état de construction et d’achèvement très variable. La bourgeoisie montre beaucoup d’opiniâtreté dans son effort constant pour gérer ses frontières et pour transmettre les richesses au sein de la même confrérie des grandes familles. Les classes moyennes sont un véritable carrefour social. Quant à la classe ouvrière, ou aux classes populaires dans leur ensemble, le reflux est manifeste : le recul de l’influence des organisations syndicales et politiques qui travaillaient à la mobilisation de la classe se traduit par un éparpillement des prises de position. Dès le premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy recueillait 72,6 % des voix à Neuilly, Ségolène Royal devant se contenter de 7,5 %, et Marie-George Buffet de 65 voix (soit 0,19 %). Dans le même département des Hauts-de-Seine, de l’autre côté du fleuve, la commune populaire et communiste de Nanterre, avec un nombre de voix exprimées très proche (35 500 contre 33 450 pour Neuilly), présente un grand éclatement des voix. Ségolène Royal a certes devancé Nicolas Sarkozy avec 36 % des suffrages contre 23,9 %. François Bayrou a recueilli 18,9 % et Le Pen 7 %, plus que Marie-George Buffet, qui n’a rassemblé que 4,6 %. La lucidité politique est donc bien plus ancrée à Neuilly qu’à Nanterre, malgré le long passé militant de cette ville. La désindustrialisation y est pour beaucoup car le patrimoine industriel était le patrimoine de la classe ouvrière.
La sociologie des classes dominantes met en évidence les inégalités de tous ordres qui s’enracinent dans la richesse. Être riche facilite la vie et la rend plus agréable. Il est difficile de soutenir que l’aisance matérielle ne donne pas certaines satisfactions. D’autant qu’elle s’accompagne de pouvoirs sur l’espace et le temps et qu’elle facilite l’accès à la culture. Par la mondialisation, le pouvoir des puissants se renforce encore. La classe ouvrière perd ses repères et ses bastions. La conscience claire de l’amplitude démesurée des inégalités vaut pourtant mieux que leur sous-estimation.
Le tableau de la richesse, dans sa diversité, est dans un premier temps décourageant. Mais sans la conscience des inégalités profondes et des injustices qui la fondent, on en arrive trop vite à en prendre son parti et à baisser les bras.

lundi 17 septembre 2007

Des questions embétante

Reste des questions embêtantes.
Un des premiers problèmes vient de l’apparent désir de mener de front toute une série de contestations des oppressions comme si , toutes réelles qu’elles soient , elles se valaient du point de vue pratique dans la recherche d’une société "meilleure", et en attendant des améliorations au concret.
Une addition de "fronts" ne fait pas un parti ou un mouvement, si ce n’est un bref instant avant d’éclater.

Le monde, malgré sa complexité, a sa hiérarchie , et c’est la lutte de classes qui en est le centre, qui est le centre structurateur des batailles. Un parti, ou un mouvement, même si il n’y a aucun doute qu’il doive être aux côtés de tou(te)s ceux qui se battent contre des oppressions , doit avoir au centre de sa stratégie de transformation ce qui renouvelle sans cesse et sans cesse la domination d’une classe sur le monde, l’exploitation capitaliste, bref un parti ou un mouvement a les travailleurs au centre de ses actes.
Car c’est là que se gagne ou se perd, se gagnera ou se perdra, la bataille pour une société qui fasse reculer exploitation et oppressions. La bataille dans les entreprises, aux côtés des travailleurs sans emplois, des futures travailleurs, des travailleurs sans toit ou mal logés, etc, est celle qui donne le la et force à la gauche si elle veut perdurer et surtout se renouveler.
La lutte des classes n’est pas un élément ésotérique d’un vaste front contre les oppressions, elle en est le centre et le moteur, du moins pour un mouvement aspirant à aider à l’accouchement d’un monde meilleur. Un mouvement ou un parti de gauche qui se présenterait comme un vaste front contre les oppressions ne serait pas ma tasse de thé, même si un mouvement ou un parti de mon coeur devrait être contre toutes les oppressions et faire face à toutes avec solidarité.
L’autogestion est sur le chemin de cette bataille, le pouvoir au concret des travailleurs sur leurs entreprises. Sans cela la classe capitaliste continuera de commander et gouverner nos destins, que ce soit sur les OGM ou que ce soit sur les discriminations suivant les commodités de directions des affaires du monde par cette classe. Et cette bataille à mener pour disputer le pouvoir aux patrons nécessite bataille dans les entreprises et les entreprises au centre des batailles du futur mouvement ou parti.
Discuter d’un parti , d"un mouvement , sans hiérarchiser, sans débattre concrètement de cette question comme décisive me semble aller vers une forme de radicalisme (au sens radical-socialiste) qui n’est pas souhaitable.
Il me semble qu’on peut faire beaucoup mieux. Copas
Hum, ou pas, la question, comme dirait Charles n’est pas de sauter sur une chaise en disant "nouveau ! nouveau !"...effectivement...
L’ensemble de la gauche est dans une situation explosive. Et c’est normal (il est même curieux que cela ne soit pas arrivé plus tôt) vu tout ce qui c’est passé ces 25 dernières années...
Chaque parti doit se reconstruire (rien de spécifique dans le terme, ni attachement), le PCF par exemple a visiblement des orientations en son sein qui ont beaucoup de difficultés à être convergentes, ou qui sont tout simplement opposées. Et ça Autain n’aide pas à résoudre le problème et à aider sur le débat de ce parti. Elle est dans un flou attrape tout.
La question, pour le PCF en particulier, n’est pas de savoir si il doit se fondre dans une grande bouillie mais de savoir ce qu’on veut comme société, d’analyser la société actuelle, comment on se bat , quel outil politique on utilise, et après lever les yeux du guidon et regarder qui est avec nous là dessus et qui ne l’est pas, les proximités et les éloignements. Et éventuellement , surement même, scissionner d’avec ceux qui sont plus proches du parti de Hollande, DSK et Lamy , que des travailleurs.
Les discours peuvent flotter sur l’écume mais suivre les actes est utile pour savoir de quel côté on est dans cette dernière affaire, et c’est vrai quer les velléités retombent souvent sur des alliances avec des socio-libéraux qui font douter les travailleurs qui finissent par répéter : "tous pareils....". Ou autrement dit pendant les grandes colères contre l’ultra-libéralisme (Mai 2005) on laisse passer l’orage et après on remet en selle le vieux cow boy arthritique qui nous tire dessus dans tous les sens au nom de l’union de la gauche contre l’ennemi commun.
Personne , qui s’intéresse à la politique, n’est sensé ignorer que , plus loin que les discours, le PS est sur une ligne politique ultra-libérale, et en phase également d’écraser la démocratie en son sein car le virage qui va être demandé est gros. S’allier avec eux à nouveau, c’est partager l’opprobre. Pire même c’est être assuré que, puisque on se retrouve sans cesse finalement avec eux , autant être chez eux......
Je dis cela car , pour les municipales, on nous bassine déjà dans une série d’endroits sur une réanimation de la gauche plurielle, sous divers formes..... Rien ne devient plus urgent que cela et il s’agit de faire n’importe quoi à nouveau contre l’ennemi commun....
Bordel de Municipales ! A nouveau des élections qui seront prétexte à du n’importe quoi, à des alliances foireuses, et des soutiens à des divas du parti social-libéral. Déjà des Alternatifs et des Communistes dans certaines villes (comme Nice) appellent à une union de toute la gauche ....
C’est pas cela qui est urgent, l’ennemi en face lui ne "débande" pas de son programme, divas élues ou pas, ce qui compte ce sont abattre les régimes spéciaux, agresser les retraités, attaquer la sécu et le système sanitaire français, s’attaquer aux chômeurs, précariser les travailleurs, faire des cadeaux à la bourgeoisie, etc.
Les municipales doivent être une tribune, des batailles au service des batailles ci-dessus. Sinon ça n’a pas de sens.
Il y a donc , même dans la gauche anti-libérale, des discours et des actes qui sont contradictoires. Dans un parti c’est plus grave.
Reprendre du poids, passe par une cure d’amaigrissement des fois.
Alors oui le PCF devra probablement fonder un nouveau parti, mais certainement pas un polochon informe où la base ne contrôle rien, sans projet autre qu’une unité floue et des objectifs prêtant à confusion. Ce n’est pas une machine à faire des élus qu’il faut, mais une machine à aider aux conquêtes sociales et à avancer vers une société socialiste. Oui il y aura besoin de tous les talents , mais d’abord ceux des travailleurs et des jeunes.
Oui ce projet de régénération (c’est bon là le terme ? personne ne l’a utilisé ?) a sur sa route bien des convergences avec des petits groupes révolutionnaires (LCR, LO, Anars, ....), du moment que ce projet avance par rapport à des batailles au concret, par rapport à la politisation des travailleurs.
Copas

samedi 8 septembre 2007

Dépasser le capitalisme !

DEPASSER LE CAPITALISME : TELLE EST « LA » QUESTION .(I)
( par Olivier Gebuhrer ;Mathématicien , membre du C.N) .
"Oui , il y a matière à débattre : 1) A quel problème déterminant est confronté la planète ?
A mon sens , il s’agit de trouver les voies et moyens de dépasser le capitalisme ; le dire implique qu’il s’agit d’une question qui ne peut être l’affaire « d’un seul pays » , qui s’inscrit dans la durée , ne comporte pas de « stades » intermédiaires , mais constitue un processus historique permettant un changement de civilisation ; dans ce processus , qui suppose des individus conscients , les ensembles nationaux jouent un rôle qui ne saurait être sous-estimé : les coups portés au système capitaliste ont un pays donné pour épicentre et l’onde de choc est mondiale . Soit dit en passant , si F Hollande, découvre, apparemment récemment, qu’on ne « va pas tromper les gens en annonçant la fin du capitalisme » , et que « le grand soir c’est fini » , il y a beau temps que les communistes , pour leur part , se sont confrontés à cette idée aujourd’hui des plus banales ; si les déclarations de F Hollande ont un sens , c’est uniquement pour indiquer qu’aujourd’hui, la question du dépassement du capitalisme n’est PAS une question pour lui .
Elle ne l’est pas non plus pour O Besancenot qui visiblement tient pour un objectif en soi « l’anticapitalisme » ce qui n’a à peu près rien à voir avec les exigences du temps .
Bien évidemment, il faut d’entrée de jeu savoir si cette idée du dépassement du capitalisme est un objectif nécessaire et atteignable, sans se fixer de calendrier, on l’a dit .
Or non seulement le capitalisme ACTUEL, s’il continue d’entraîner dans son cours une révolution permanente des forces productives, ne le fait pas à la façon d’hier ; les forces productives que le développement capitaliste entraîne sont de plus en plus captives de la logique financière qu’il tente d’imposer à la planète ; de plus , et pour la vie quotidienne des êtres humains , c’est le plus visible et le plus insupportable , le progrès du capitalisme, se traduit aujourd’hui par davantage d’oppression ,de formes nouvelles de domination , d’exploitation des êtres humains par d’autres ; le capitalisme d’aujourd’hui ronge la planète : la Grèce qui brûle en est l’exemple le plus récemment intolérable. Analyser le capitalisme d’aujourd’hui est plus indispensable que jamais , encore faut –il le faire en continu . Ce n’est pas mon objectif ici .
Mais ce qu’il importe au premier chef de mesurer c’est que dans le temps où le capital développe son emprise de façon renouvelée sur l’ensemble des aspects de la civilisation humaine , tous les moyens existent aujourd’hui pour que les besoins essentiels des individus et des peuples soient satisfaits : ni la famine , ni les pandémies , ni la misère , ni le sous –développement (terme employé ici pour aller vite ) ,ne sont inéluctables ; la productivité du travail est telle aujourd’hui que les formes que le capital maintient et développe pour assurer le renouvellement de la production sont pour une large part obsolètes ; le travail contraint n’est plus une nécessité, même si le capitalisme entretient par tous les moyens l’idée inverse , il doit compter aussi avec cette donnée , inimaginable , il y a un siècle .
Le capitalisme a donc fait son temps . Or le dépasser suppose d’en utiliser certaines formes qui demeurent et demeureront encore longtemps à la fois inscrites dans les consciences et les processus divers qui ne peuvent s’inscrire dans le cadre de nouvelles formes nécessaires d’appropriation sociale et collective des grands moyens de production et d’échange ; d’utiliser ces formes CONTRE lui et non pas POUR lui ; c’est pourquoi des mesures structurelles sont à la fois indispensables et insuffisantes ; c’est pourquoi , on ne peut assigner de terme au processus de ce dépassement qui implique évidemment une révolution sociale et politique nouvelle ;on a dit plus haut qu’une telle révolution est mondiale dans son essence , mais qu’elle trouve ses points d’ancrage dans le patrimoine historique de chaque peuple , de chaque nation .
Cela n’a RIEN à voir avec on ne sait quel « compromis historique » qui n’eût jamais d’historique que le nom .
Tout cela est nouveau ; rien de tout ceci n’était seulement envisageable à la naissance des partis communistes , encore bien moins dans le cadre de la Russie soviétique ; on a oublié les avertissements répétés de Lénine , sur le caractère RETARDATAIRE de la Révolution soviétique , oublié ses avertissements sur le fait que pour que celle-ci s’accomplisse , il fallait que des pays capitalistes développés s’y engagent .
On ne peut ici s’attarder –et c’est dommage- sur l’itinéraire intellectuel des Partis communistes qui ne surent pas comprendre ce que tout cela signifiait .
Nous y sommes , de force ; il eût été préférable de le faire de gré . Structurante de part en part , la question du dépassement du capitalisme est l’enjeu central du Congrès du PCF .
2) ALLIANCES, STRATEGIE, ou VISEE communiste.Nous l’avons dit d’entrée : ce que s’efforce de faire le capitalisme d’aujourd’hui vise à entraver par tous moyens la LIBRE COOPERATION d’hommes et de femmes LIBRES ET EGAUX en droits et en devoirs.
Au fond , bien qu’on puisse discuter ce raccourci , cette LIBRE COOPERATION résume ce que nous appelons aujourd’hui la visée communiste ; toute démarche politique des communistes et de leur parti doit donc être sous-tendue par deux questions : la première est celle de savoir si telle décision permet une avancée fût-elle millimétrique , vers un dépassement du capitalisme et la seconde est de savoir si telle décision est de nature à permettre l’appropriation la plus large possible par les citoyennes et les citoyens eux-mêmes, dans leur diversité , des démarches , des problématiques qui concourent à façonner leur existence.
Le communisme ne consiste pas à « prendre le pouvoir » MAIS A LE RENDRE ; savoir si c’est ce que nous avons fait jusqu’ici n’est pas le but de cette tribune . J’ai l’intention de développer certaines idées qui ne peuvent faute de place être exposées ici , dans une autre tribune : il faut savoir pourquoi la question de TOUTE LA GAUCHE est d’actualité , savoir de QUEL Parti nous avons besoin , et de quelle GAUCHE ; comme l’écrivait A Hayot dès le lendemain des législatives : il y a DEUX espaces à cultiver : l’espace communiste et celui de la gauche ; confondre les deux dans une même trajectoire ne rapproche en rien les objectifs de l’époque , conduit à la confusion et maintient en l’état des défauts importés de nos années d’errance ."