lundi 12 novembre 2007

Les points noirs de la loi Pecresse

La loi SAvary de 1984, confère aux universités une autonomie s'agissant de leur politique de formation, de recherche et de documentation " dans le cadre de la réglementation nationaleet dans le respect de leurs engagements contractuels", La loiadopté cet été étend cette autonomie à la gestion des moyens financier et humains. Ce qui, dans un contexte de désengagement de l'Etat, fait craindre aux étuudiants e aux enseignants une "Université à deux vitesses" :
  • les plus grosses aimanteront les gros mécènes !
  • les plus petites, devront se dépatouiller avec le bassin d'entrepreneur local !

En pratique le président est élu pour un mandat de quatre ans renouvellable une fois, contre cinq ans, non renouvellable jusqu'à présent.

Il n'est plus élu par les trois conseils de l'université, mais par le seul conseil d'administration. Ses pouvoirs son étendus.

Le conseil d'administration est ramené à 20-30 membres, dont un tiers de personnes extérieures. La représentation des enseignants, des étudiants et des personnels est réduite.

Des personnels contracuels peuvent être engagés hors statut de la fonction publique. Ceci laisse présager "une casse" du statut des enseignats chercheurs et des personnels administratifs, selon Jean Fabbri, secrétaire national du SNESup. D'utant que le président disposera d'un droit de véto sur le recrutement des personnels fonctionnaires et enseignats chercheurs.

La loi permet aux universités de faire appel à un financement de fondation privé. De même, les établissements recevront un budget global. Avec fusion des crédits alloués par l'Etat et les ressources propres de l'établissement, la part de l'Etat serait donc "moinss visible", ce qui lui permettrait de se désengager, craignent les détracteurs de la loi !

Ce rojet s'appuie sur l'idée qu'un nombre réduit de grosse universités "visibles" à l'échelle internationale, autour desquelles gravittent des établissements de formation de premier cycle, vaut mieux que de nombreuses universités moyennes, réparties sur tout le territoire.

mercredi 17 octobre 2007

Critique sur la note de F.Boccara du 8 octobre 2007

Commentaires sur la note de Frédéric Boccara du 8 octobre 2007 (Financement de la Sécurité Sociale etc).

Je partage avec F. Boccara deux idées :

- Il y a bien un débat de fond sur la question suivante, pour reprendre ses termes : « toucher ou pas aux entreprises ». Donc : ne pas se contenter de prendre sur les « ménages ». D’accord. Tout le problème étant cependant : « comment on y touche ». Et là, des divergences vont sans doute apparaître.

- La taxation des stocks options ne saurait effectivement être considérée comme une « mesure phare ». Il en faudra un peu plus pour financer convenablement la protection sociale. Pour autant, cela ne doit pas nous interdire de la demander, puisque l’opportunité politique se présente. Le mieux évidemment serait de revendiquer purement et simplement la suppression de ces fameux stocks options qui achètent la complicité active des cadres dirigeants. Mais sommes nous prêts à aller jusque là ? Bref, passons et revenons à l’objet du délit.

Ces deux points d’accord étant posés, voyons ceux qui méritent discussion.

Taxer les revenus financiers des entreprises plutôt que les revenus financiers des ménages : est ce bien là le problème ?

F.B. semble attacher une extrême importance à la différence entre, d’une part, les revenus des ménages, sur lesquels focaliseraient les « sociaux-libéraux » et, d’autre part, les revenus des entreprises. Ce sont ces derniers que le PCF souhaiterait, pour F. Boccara, « taxer » au premier chef.

Ainsi, vouloir taxer les stocks options reviendrait à pencher du coté de la première pente, puisque il s’agirait d’une mesure « portant sur les ménages » et non sur les entreprises.

Dès lors, les partisans de cette mesure courraient le risque de tomber dans le « piège Séguin-Fillon » : ce piège, qui est « tendu au mouvement », consiste à « conforter la droite et le PS ». Bigre.

L’affaire est donc grave et la ligne de démarcation radicalement tracée.

Mais qu’entend on au juste par « revenus financiers des entreprises » ? C’est un problème (entre autres) qu’un lecteur non avisé pourrait rencontrer à la lecture du papier de F.B.

S’agit-il des revenus financiers perçus par les entreprises, ou bien au contraire des revenus financiers versés par elles ?

F. Boccara chiffre à 255,2 Mds ces fameux « revenus financiers des entreprises (sociétés non financières) » ; source Insee, rapport sur les Comptes de la Nation 2006.

En première lecture, on pourrait donc croire que les entreprises reçoivent lesdits revenus (255 Mds €), de sorte qu’elles se “gavent” avec, au point même de « s’empoisonner ».

Or, d’après C. Mills : « Nous proposons également d’instituer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises, qui ne sont actuellement soumis à aucun prélèvement social. Ces revenus s’élèvent à 80 milliards d’euros » (entretien diffusé sur le site PCF des BdR).

Donc, 255 Mds (F. Boccara) ou bien 90 Mds (C. Mills) ? La confusion règne.

Le mieux est d’aller voir dans les Comptes Nationaux 2006. Le « compte des sociétés non financières » du rapport cité fait apparaître que celles-ci reçoivent des « revenus de la propriété », pour un montant de 183 Mds € en 2006 (dont 119 Mds de dividendes en provenance de filiales ou de placements).

Mais, parallèlement, les mêmes sociétés versent ou reversent des revenus de la propriété pour un montant de 286 Mds € (dont 169 Mds de dividendes reversés aux actionnaires et 76 Mds d’intérêts payés aux banques)[1]. De sorte que les entreprises dans leur ensemble paient, au final, des revenus de la propriétés nets, pour un montant de 103 Mds €.

Donc, s’il y a des « revenus financiers des entreprises » et il y en a bien, il s’agit– afin que cela soit clair pour tous – des revenus versés et non pas de revenus perçus.

Ce sont les entreprises qui aliment les marchés financiers, non l’inverse.

J’enfonce certainement des portes ouvertes mais je pense que les néophytes apprécieront qu’on mette ainsi les points sur les « i ». On ne voit vraiment pas comment les « marchés » seraient capables de générer ex-nihilo des « revenus » qui proviendraient d’ailleurs que de l’activité économique.

Or, à qui sont - in fine - destinés ces revenus financiers ? Aux ménages, dans une large mesure.

Certes, ces revenus vont transiter par des intermédiaires (banques, compagnies d’assurance, holdings etc.) en suivant un circuit parfois complexe. Une partie va même circuler « d’une entreprise à l’autre », comme a raison de le souligner F. Boccara (de sorte qu’ils vont fonctionner apparemment comme « revenus financiers des entreprises »).

Mais on aurait tort de croire cet argent reste en circuit fermé éternellement. La « bulle spéculative » va à son tour alimenter à grands flots les « ménages », c'est-à-dire principalement les classes aisées. Les Comptes de la Nation le confirment : les « revenus de la propriété » perçus par les ménages se montent à 118 Mds € en 2006.

D’où vient cet argent ? Des entreprises, on l’a vu.

Les entreprises ont réalisé en 2006 pour 274,5 Mds € de profits bruts. C’est ce que l’on appelle « l’excédent brut d’exploitation ». En gros, cela correspond au “cash” qui reste, une fois payé les fournisseurs, les salaires (cotisations comprises) et les impôts d’exploitation.

C’est avec ces profits que les entreprises vont ensuite verser les fameux revenus financiers dont on a parlé plus haut.

En conséquence, quand on s’attaque à ces profits (des entreprises), on s’attaque du même coup aux revenus financiers des ménages. Pourquoi, alors, opposer les uns aux autres ?

Je pense que ce sont ces profits que F. Boccara a en vue quand il parle des « revenus financiers des entreprises ». Du moins je ne vois pas d’autre explication au chiffre qu’il avance (il y a une petite différence entre son chiffre et le mien, peut-être est-ce du au fait que les statistiques de l’INSEE sont réactualisées et que les chiffres bougent légèrement, mais peu importe, je veux bien prendre le sien, cela ne change rien au raisonnement).

Dans ces conditions, parler de « revenus financiers » là où il s’agit en réalité de bels et bons profits ne peut qu’induire en erreur. Cela tend à faire croire que les entreprises se « dopent » à la finance, c'est-à-dire à la spéculation etc. Alors qu’en réalité elles obtiennent leurs profits à partir de leurs activités et sur la base l’exploitation du travail.

On contribue ainsi à nourrir le mythe keynésien de la « finance » considérée comme une sorte d’excroissance du capital (tel un « cancer » qui « empoisonne » le capital pour reprendre l’expression de F.B.) là où l’on est en réalité aux prises avec l’extraction sans fins ni limites de la plus-value au sens le plus classique du terme.

Petit à petit, une dérive s’installe : celle qui consiste à ne plus montrer l’origine du profit (le travail), pour privilégier une approche qui en fait des tonnes dans la critique de la « finance », jusqu’à faire croire que les entreprises (ou les ménages) pourraient obtenir leurs « revenus » à partir de sources alternatives (la spéculation, les marchés « financiers »).

En réalité, si la finance « empoisonne » la société, c’est en tant que sphère qui collecte toujours plus la masse des profits, pour les acheminer, d’une façon ou d’une autre, dans les poches des classes dominantes.

Mais alors, si les revenus « financiers » des entreprises sont en réalité leurs profits, alors la proposition consistant à « taxer » les revenus financiers revient alors à taxer les profits.

Cela revient ni plus ni moins à refuser d’augmenter les cotisations patronales, qui font partie du salaire, pour introduire à la place une taxe sur les profits.

Le PCF choisit il donc la voie fiscale, ce qui revient à délaisser la cotisation sociale ?

F. Boccara critique la taxe sur les stocks options[2], car, selon lui « on met alors le doigt dans un engrenage de développement de la SCG ». Admettons. Mais le fait d'appliquer une CSG aux stocks options revient bien à les "taxer". Quelle différence y a-t-il donc entre la CSG et celle que l'on propose par ailleurs de mettre "sur les revenus financiers" ? Mystère.

Donc, si "engrenage" de la CSG il y a (c'est-à-dire la fiscalisation contre la cotisation), cette dérive n'est pas non plus évitée quand on propose la taxation des revenus financiers. Bien au contraire.

Il est hautement significatif que pas une seule fois le mot "salaire" n'est prononcé dans une note pourtant consacrée au financement de la protection sociale, si ce n’est pour affirmer, ce qui est encore pire, que la « modulation » des cotisations permettra d’augmenter les salaires. Cela signifie qu’une diminution du salaire indirect (la cotisation) pourra (peut-être) se traduire par une augmentation du salaire direct, sans que cela ne coûte plus cher au patronat, puisque c’est la Sécurité Sociale qui aura ainsi subventionné cette hausse apparente.

Pas une fois non plus n’est mentionnée une éventuelle augmentation des cotisations sociales. F. Boccara refuse depuis longtemps de reconnaître que celles-ci font partie du salaire, préférant les ranger dans la catégorie hétéroclite et comptable des prélèvements obligatoires, autant dire des « charges » …. Allez ensuite convaincre les salariés que le financement de la protection sociale est leur affaire. Il s’interdit dès lors de voir que la meilleure "taxe" sur la "finance" qui existe, c'est encore le salaire.

Augmentez les salaires et les taux de cotisations, et alors la finance explosera, tarie à la source.

Pour le reste :

Il est contestable d'affirmer que "la politique de l’emploi est le fond des choses, car c’est bien largement du chômage que le financement de la protection sociale est malade."

Le financement de la Sécu dépend des richesses produites (1 792 milliards d'euros de PIB) et des taux de cotisation appliqués. Un point c'est tout.

Même s'il ne restait plus qu'un seul emploi, on pourrait continuer à collecter. L'emploi est un autre problème. Vouloir résoudre simultanément les deux problèmes nous lance dans une impasse.

Mais il faudrait beaucoup plus de place et de temps pour s’expliquer là-dessus, car je sais que je heurte en affirmant cela.

Pour ne pas allonger, je renvoie à nos articles parus dans :

- « Moduler la cotisation sociale », L’Humanité, 14 octobre 2003 (tribune libre).
- « Vive la Cotisation sociale », La Pensée N°340, octobre 2004.
- « Ce n’est pas l’emploi qui crée la richesse, c’est le travail », Nouvelles Fondations, (Fondation G. Péri), n°2, 2006.

Si déjà on arrivait à discuter de cela dans les "hautes sphères" sans se faire écharper, et pourquoi pas même (on peut rêver) fraternellement, on aurait accompli un immense progrès dans la refondation, évolution, mutation, rénovation, conservation, continuation, etc (au choix, biffez les mentions inutiles, selon les sensibilités …) de ce que l’appelle encore aujourd’hui le parti communiste français.


Raphaël THALLER

[1] Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes revenus, vus de l’autre coté.
[2] La différence faite par F.B. entre "stock" et "flux" (concernant les stocks options) n'est pas inintéressante mais se situe déjà à un niveau très "technique" du problème. Que l'on taxe le stock plutôt que le flux, il y a certainement des différences, mais est-ce le problème ? Le jour où on en sera là, on verra bien

Financement de la sécurité sociale, stock options, etc.

Financement de la sécurité sociale (assurance maladie), stock options, finance, etc.
Frédéric Boccara, le 8 octobre 2007

1. Rappels des propositions du PCF (confirmées par le dernier congrès, approfondissant celles de déc 1995)
3 moyens nouveaux et 1 conséquence :
- Taxation de tous les revenus financiers des ménages et des entreprises

- Modulation des cotisations sociales pour augmenter les prélèvements en développant l’emploi (en quantité et en qualité, donc aussi les salaires et les qualifications)
Selon l’évolution de la part des dépenses d’emploi et de formation dans la valeur ajoutée de l’entreprise : si cette part recule, alors l’entreprise se voit taxée à un taux plus élevé

- Une autre politique de l’emploi, avec une BCE réorientée

- Conséquence : Extinction progressive de la CSG


2. Commentaires
La taxation des produits financiers apporte un financement immédiat, mais comme nous voulons que les revenus financiers reculent, à terme, cet apport pourrait reculer (c’est d’ailleurs aussi pour les faire reculer qu’ils seraient taxés).
C’est pourquoi progressivement c’est la modulation qui prendrait le relais, en poussant les entreprises à un changement de logique de gestion. Parallèlement la politique de l’emploi est le fond des choses, car c’est bien largement du chômage que le financement de la protection sociale est malade.

3. Le piège Séguin-Fillon des « stocks options »
Les stocks options peuvent faire partie des revenus financiers des ménages (NB : elles sont d’abord attribuées par les entreprises, mais à ce moment aucun moyen financier n’est distribué, c’est un sorte de réservation d’un stock d’actions de l’entreprise, à un prix avantageux, dont le mode calcul peut être pré-déterminé sans que le montant monétaire soit effectivement fixé, avec des conditions sur les délais dans lesquels les bénéficiaires ont le droit de vendre leur stock (réalisation de l’option). Ils touchent des dividendes de ces placements, revenus de même nature que les autres dividendes, mais c’est surtout au moment de la vente qu’ils deviennent des revenus des ménages).

Deux pièges :
a- la CSG
Séguin, qui propose par le biais de la cour des comptes la taxation des stock options, le formule par intégration dans la CSG. Fillon vient de lui emboîter le pas. On met alors le doigt dans un engrenage de développement de la CSG. Alors faut-il taxer l’option (le flux de revenu) ou le « stock » (la « réservation » dans les comptes des entreprises)[1] ?

b- L’évitement des revenus financiers des entreprises.
Un Le débat de fond, avec les sociaux-libéraux (par exemple, Th. Piketty, économiste de Ségolène Royal), porte sur « toucher ou pas aux entreprises ». Pour les sociaux libéraux, il ne faut pas toucher aux entreprises. Cela va gêner leur compétitivité. Il faut les laisser « libres », être libéral, quitte à être social ensuite en compensant un peu, en redistribuant un peu de l’argent gagné par « les riches » au terme de ce fonctionnement anti-social, productiviste et pervers des entreprises. Dans la version de gauche, il mettent alors tout sur la taxation des ménages, y compris leurs revenus financiers. Peut-on éviter ce débat ?

Ne pas taxer ces revenus financiers pose au moins Trois problèmes : (a) les ménages les plus patronaux n’ont pas besoin de « toucher » leur argent ils le laissent comme un revenu financier des entreprises (qui circulent d’une entreprise à l’autre, alimentant la « bulle » spéculative), (b) les gestions des entreprises, les décisions d’emploi et de production, donc « la sécu » continuent à être empoisonnées par le cancer de la finance (c) les entreprises ne tiennent pas compte du financement de la protection sociale.

Ces opposants à une taxation des revenus financiers des entreprises mènent une bataille d’idées prétendant que les revenus financiers des entreprises n’existeraient pas, seuls les « ménages » compteraient en matière de revenus… !
Dénoncer l’exonération des stocks options peut être une façon de mettre en cause « la finance » et le patronat (le capital), c’est à dire une « entrée » vers une vraie alternative. La proposer comme une mesure phare, portant sur les ménages, serait tomber dans le piège qui est tendu au mouvement et conforter la droite et le PS.

Or les chiffres de l’Insee (rapport sur les comptes de la Nation, 2006) sont très clairs :
Revenus financiers des entreprises (sociétés non financières) 255,2 Mds
Revenus financiers nets des « banques » 60,7 Mds
(pour mémoire) Cotisations sociales patronales effectives payées par les sociétés et les banques 147,6 Mds

à Taxation des revenus financiers des entreprises à 12,8% (tx patro Ass. Maladie) : +40,4 Mds de produit
Ceci est, bien entendu une estimation purement comptable et statistique
[1] Mais cela peut conduire à une incohérence car les stocks de capital financier devraient être taxés dans la réforme de la taxe professionnelle. Ici on s’occupe des flux de revenu, en cohérence avec le fonctionnement d’ensemble de la « sécu ».

lundi 1 octobre 2007

L'ouverture au Centre s'est soldée par un échec

Philippe Marlière prévient le Parti socialiste : l’ouverture au centre de la gauche italienne s’est soldée par un échec.
de Philippe Marlière Maître de conférences en science politique à l’université de Londres.


Ségolène Royal l’a affirmé à plusieurs reprises :
un accord électoral ou organique avec le MoDem – une formation de centre droit – est aujourd’hui envisageable pour le Parti socialiste.
Dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, Mme Royal n’avait pas exclu de nommer François Bayrou au poste de Premier ministre, en cas de victoire contre Nicolas Sarkozy.
Sévèrement battue au second tour, et en dépit du médiocre report des voix bayrouistes sur sa personne, Ségolène Royal a continué de défendre l’idée d’un rapprochement entre le PS et le MoDem. Elle a même prédit que "des choses allaient se passer" entre les deux partis à l’occasion des prochaines élections municipales !

Éprouverait-elle quelque nostalgie pour les manœuvres d’appareils de la IVe République, période pendant laquelle la SFIO a souvent géré le pays aux côtés des démocrates-chrétiens ? Ou alors, souhaiterait-elle rejouer la partition de l’ouverture rocardienne des années 1988-1991, qui se solda par la débâcle électorale de 1993 ?
Ou encore, tenterait-elle de s’inspirer de la gauche italienne ? Cette dernière hypothèse paraît plausible, car Ségolène Royal suit depuis quelque temps avec intérêt l’ouverture au centre pratiquée par les Démocrates de gauche (DS), le pendant italien du PS.

En octobre prochain, les « socialistes » de DS et la nébuleuse démocrate-chrétienne et libérale de la Marguerite se fondront en un parti unique qui s’appellera – comme son modèle étatsunien – le Parti démocrate (PD).
Ce parti ne sera ni socialiste ni de gauche. Cette alliance du centre, organique, va toutefois se dérouler dans des conditions très différentes pour la gauche de ce qui aurait pu advenir dans les années 1970.
Aux élections de 1976, le PCI (dont sont issus les DS) venait de recueillir 34,4 % des voix, alors qu’aujourd’hui les DS peinent à rassembler plus de 15 % sur leur nom.
Que s’est-il passé entre-temps ? Un recentrage idéologique, politique et, aujourd’hui, structurel des DS.
Ces derniers ont volontairement tourné le dos à la culture égalitaire et solidaire de la gauche postcommuniste depuis le début des années 1990. Cette stratégie idéologiquement motivée produit aujourd’hui des effets désastreux au sein de la gauche italienne.

Lorsque le PCI s’est transformé en Parti démocratique de la gauche (PDS) en 1991, la majorité des ex-communistes refusèrent la voie social-démocrate sociale et radicale.
Le PDS privilégia un recentrage politique autour de sujets « sociétaux », au détriment d’engagements pour la justice sociale et de la poursuite d’une relation critique avec le capitalisme.
Le cap à droite coûta au parti une première scission et la création du Parti de la refondation communiste (PRC), un parti en réalité postcommuniste, ouvert aux thématiques « post-matérialistes » (féminisme, environnement, égalité sexuelle, etc.), mais resté fidèle aux idéaux égalitaires de la gauche. Cette ligne de gauche a été récompensée par les électeurs italiens. Depuis 1991, le PRC peut compter sur un score plancher de 6 à 8 % des voix.
Lors des élections législatives de 2006, les Italiens ont élu 41 députés du PRC.
Le PDS – renommé DS – a continué obstinément dans la voie du recentrage et a perdu, à chaque élection, de nouvelles voix.
L’hémorragie électorale ne fut qu’artificiellement ralentie à partir de 1996 avec la création de l’Olivier, un cartel électoral. L’Olivier regroupe les DS (la principale force partisane), des ex-membres de la Démocratie chrétienne (DC), qui avait implosé à la suite des enquêtes de l’opération Mani Pulite (nom d’une opération judiciaire lancée en 1992 contre la corruption du monde politique italien), d’ex-Verts (Marco Rutelli, l’ancien maire de Rome), des libéraux de gauche et des Républicains. Ce regroupement hétéroclite permet à l’Olivier d’atteindre péniblement 30 % des voix.
L’ex-Parti socialiste de Bettino Craxi (PSI), lui aussi emporté par Mani Pulite, qui obtenait encore plus de 15 % des voix à la fin des années 1980, n’est pas réapparu comme force partisane crédible.
Les voix socialistes en déshérence se sont réparties à gauche, au centre et dans la droite berlusconienne.
Le discours droitier des DS a dérouté et découragé les électeurs de gauche. Le déclin culturel de la gauche a encore accentué le déclin électoral. La droitisation des DS a largement profité à Silvio Berlusconi, la plus grosse fortune du pays, qui fut élu à deux reprises président du Conseil.
Une telle dérive à l’américaine ne se serait jamais produite si la gauche socialiste s’était un tant soit peu comportée comme une force de gauche. Le battage médiatique autour du blairisme et de son (introuvable) « troisième voie » a été une aubaine pour les DS. À partir de 1997, ils purent revendiquer une « modernité de gauche », en se référant en positif au néolibéralisme autoritaire du Premier ministre britannique.

Comment expliquer un tel aveuglement dans la poursuite d’une stratégie aussi néfaste pour la gauche italienne ?
D’abord, une erreur d’appréciation historique : les ex-communistes italiens ont cru, à tort, que la chute de l’Union soviétique avait discrédité les valeurs de gauche traditionnelles.
Au début des années 1990, les néolibéraux répétaient que la modernité politique se mesurait à l’aune de la flexibilité économique et des privatisations.

Ensuite, une autre erreur sur le plan de la sociologie électorale :
les DS ont pensé que la droitisation de leur discours et de leurs politiques permettrait d’attirer des électeurs centristes tout en retenant tout ou partie de leur électorat.
Ils se sont trompés dans les deux cas. Les DS ont perdu nombre de leurs soutiens traditionnels, qui ont rejoint le PRC, d’autres formations de gauche, ou se sont réfugiés dans l’abstention. Inversement, la greffe avec les éléments chrétiens et néolibéraux de la Marguerite n’a jamais pris. Les militants, issus de deux traditions très différentes, coexistent difficilement au sein de l’Olivier. Il est à craindre qu’une cohabitation organique au sein du PD soit encore plus difficile à gérer.

Le cas italien doit être étudié de près en France tant les cultures des gauches française et italienne sont proches (laïcité, égalitarisme profond, acuité du clivage gauche-droite, méfiance instinctive vis-à-vis du capitalisme, etc.).
Si Ségolène Royal était en mesure d’imposer une alliance avec le MoDem, il faudrait parier sur la répétition en France du « scénario italien ».
Dans un tel cas de figure, un ex-PS, parti centriste allié au MoDem, ne pourrait que connaître un profond déclin électoral.

De : Philippe Marlière

mercredi 19 septembre 2007

Comment l’argent fait le bonheur (1/4)

Sécurité, sérénité et courtoisie

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

À l’abri des soucis du monde ordinaire

L’existence des grands bourgeois est exempte des conséquences désagréables des vicissitudes de la vie quotidienne. Lorsque la Mobylette de Carole, la jeune ouvrière du film de Lucas Belvaux, la Raison du plus faible, tombe en panne et rend l’âme, c’est un drame qui enclenche un engrenage funeste. Irréparable, il est impossible de la remplacer dans l’immédiat, c’est trop cher. Prendre le bus pour aller au travail, c’est une heure de transport en plus chaque jour. Lne règle pas tous les problèmes, mais il ne faudrait pas des sommes folles pour résoudre celui-ci. Pour aider leur copine, ses amis tentent de se procurer l’argent nécessaire dans un braquage qui tourne mal. Cette fiction, construite avec vraisemblance parce qu’elle met en scène les multiples agressions et blessures d’une vie rendue précaire par la faiblesse des ressources, ne fait que porter à son paroxysme la logique d’existences sans espoir.
La panne de la Mobylette, de la voiture ou le vol du vélo, comme dans le Voleur de bicyclette, de Vittorio De Sica, la fuite d’eau à la cuisine, le chéquier volé, tous ces petits ennuis empoisonnent l’existence des plus modestes, en grignotent le temps et accumulent les préoccupations et les soucis, sources d’inquiétudes et d’angoisses. Alors qupeu d’argent disponible permettrait de prendre le taxi, ou d’appeler un artisan pour faire une réparation. Le temps des plus riches, lui, est libéré de ces tracas les plus mesquins mais aussi les plus envahissants.
L’absence d’argent conduit à un gaspillage de temps systématique. Les voyages par avion se sont diffusés, mais pour les moins fortunés de ceux qui peuvent les emprunter, y avoir accès suppose plus de temps et de fatigue. Aller de Paris à Montréal peut se faire en prenant un bus à la porte Maillot pour l’aéroport de Beauvais d’où, après une nuit au confort précaire dans une salle d’attente, un avion assure le transfert à Dublin. Là un nouveau vol permet d’atteindre New York où il faut prendre un troisième avion pour arriver enfin à Montréal. Ces vols « low cost », comme on dit dans le franglais à la mode, transforment un voyage en épreuve, même si leurs « bas coûts », en français, les rendent plus accessibles.
L’argent permet d’acheter des services. Les soucis du foyer, du ménage, du jardinage sont sous-traités à un personnel domestique qui prend en charge les tâches désespérément récurrentes de la maison. Pour les plus aisés, le chauffeur affronte solitairement les embarras de Paris quand le patron, assis à l’arrière, consulte les cours de la Bourse dans le Figaro. Le savetier et le financier n’ont pas les mêmes soucis.
Tout jeune ménage modeste sait combien un enfant met aux normes : horaires stricts, suivi médical du bambin, promenades. Beaucoup de plaisirs, certes, mais aussi un amoncellement de contraintes. Être à l’heure avant la fermeture de la crèche ou de l’école devient une obsession. Dans les familles de la bourgeoisie, les jeunes filles au pair et les nurses de nationalité étrangère font réviser leurs leçons aux enfants et leur apprennent leur langue. Elles les emmènent au jardin public.
Le personnel de service permet de donner aux journées toute leur plénitude. Être servi est l’un des privilèges sociaux les plus marquants de la richesse. Le temps n’est pas le même pour tous. Ces emplois domestiques sont encouragés et financés en partie par - l’État. L’emploi, au domicile privé, de salariés pour des tâches à caractère familial ou ménager (employé(e) de maison, garde d’enfants, soutien scolaire…), en particulier dans le cadre du chèque emploi-service universel (CESU), ouvre droit à une réduction d’impôts égale à 50 % des salaires payés et des cotisations correspondantes, dans la limite de 12 000 euros par an, pouvant être augmentés de 1 500 euros par enfant à charge, le plafond cumulé étant de 15 000 euros. Une famille fortunée avec deux enfants pourra donc récupérer la moitié des 30 000 euros premiers euros que lui aura coûté son personnel, la dépense réelle totale n’étant pas limitée. Une jolie contribution des finances publiques à l’agrément d’une vie libérée des servitudes du monde ordinaire. De plus, cette réduction d’impôts apparaît comme parfaitement justifiée puisqu’elle s’inscrit dans la lutte contre le chômage.
Au début du XXe siècle, l’effectif employé dans une grande maison pouvait atteindre les trente personnes. La raréfaction des domestiques depuis les conquêtes sociales du Front populaire en 1936 a été compensée par le recours aux traiteurs, par les livraisons à domicile et par les sociétés de services spécialisées dans le ménage ou le jardinage. Avec l’augmentation du nombre des riches et du niveau de leurs richesses des cartes bancaires sont apparues, accessibles sous conditions de ressources élevées. Elles offrent des services en tout genre dont l’objectif est de faire gagner du temps aux clients. Depuis l’achat de billets d’avion, la réservation de places au théâtre ou à l’Opéra jusqu’à des prestations exceptionnelles, comme obtenir une table à la Tour d’argent un jour de grande affluence ou pouvoir jouer une partie de tennis avec le champion de l’année.
Les services à la personne se multiplient et, la concurrence devenant vive dans ce secteur, de nouvelles formules apparaissent, accessibles 24 heures sur 24, 365 jours par an. Les conciergeries de luxe sont des officines prêtes à répondre aux demandes les plus difficiles à satisfaire, comme de trouver pour un collectionneur un exemplaire d’une montre de l’avant-guerre rarissime. Certaines agences immobilières vendent aujourd’hui, surtout aux grandes fortunes étrangères, de très beaux appartements ou des hôtels particuliers avec le personnel d’entretien et de gardiennage en place, prêt à prendre le service.
Être servi, c’est être reconnu
Les marques de déférence et de respect, les signes du pouvoir et de la notoriété sont innombrables. « Bonjour monsieur le marquis », dit la boulangère du village au châtelain venu passer le week-end dans la maison de ses ancêtres. « Monsieur le directeur », « monsieur le président », « maître », et le rituel « Madame est servie » : les manières de manifester au puissant que l’on connaît et respecte sa position ne manquent pas. Les intéressés en retirent la confirmation récurrente de leur poids social, de leur valeur et de leurs mérites.
Être considéré et traité en permanence comme une personne exceptionnelle et unique donne une solidité qui aide à affronter les aléas avec calme, maîtrise de soi et courtoisie. La colère, l’injure, la violence sont plutôt de l’autre côté de la société, là où la vie est dure et ne cesse de vous rappeler votre insignifiance. Camilo José Cela l’a excellemment écrit dans la Famille de Pascal Duarte : « Nous, mortels, nous avons tous en naissant la même peau, mais à mesure que nous grandissons, le destin se plaît à nous diversifier, comme si nous étions de cire, et à nous mener par des sentiers multiples vers une seule fin : la mort. Il y a des hommes qui doivent prendre le chemin des fleurs, pendant que d’autres sont poussés à travers chardons et nopals. Les uns possèdent un regard tranquille et, au parfum de leur bonheur, ils sourient d’un visage innocent ; les autres, accablés du soleil violent de la plaine, se hérissent comme la vermine pour se défendre. D’un côté, pour embellir son corps, le fard et les parfums ; de l’autre, les tatouages que nul ensuite n’est capable d’effacer… » La politesse des dominants en impose et elle va permettre, surtout lorsqu’elle est associée à des corps qui affirment l’excellence, le passage de la domination économique à la domination symbolique.

Comment l’argent fait le bonheur (2/4)

La richesse faite corps

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

La richesse doit s’inscrire dans les corps pour achever sa métamorphose : les propriétés extérieures à la personne doivent être perçues comme des qualités de la personne elle-même. Tout en fondant une assurance de soi exceptionnelle, cette métamorphose, en modelant les corps et les comportements, crée des signes de reconnaissance entre pairs.

La position sociale s’inscrit dans les corps

La position sociale, en s’inscrivant dans les corps, induit une sorte de seconde nature. L’idéologie du sang bleu de la noblesse en était une manifestation, pas si fausse que cela puisque, à travers tous ses privilèges, cette caste avait pu acquérir des qualités rares et transmissibles par l’éducation, légitimées comme dons de naissance. L’idéologie du don est le produit de cette ignorance, souvent intéressée, de l’origine des qualités, et des défauts, d’agents sociaux qui sont en réalité le produit de leur histoire. En tranchant en faveur de l’inné contre l’acquis, du génétique contre le culturel, les notions de noblesse et de don insistent sur l’existence d’une essence spécifique, d’une personnalité originelle dont les vertus et les imperfections renverraient d’abord aux potentialités inscrites de manière naturelle dans l’individu dès sa conception.
Cette naturalisation des qualités sociales, leur attribution non plus à l’efficacité des apprentissages et à l’excellence du milieu familial, mais à l’hérédité d’une humanité à part, d’une autre essence, conduit à l’idéologie du sang bleu, thème raciste inversé qui fait des nobles (et aujourd’hui de l’aristocratie de l’argent) une espèce supérieure, de nature différente. Dans le champ politique, les positions de droite penchent du côté du génétique. Les délinquants sexuels présenteraient ainsi un héritage génétique spécifique. À l’opposé, la tradition de gauche attribue plus volontiers ce type de délinquance à de mauvaises conditions sociales, économiques, avec des problèmes de promiscuité et d’échec éducatif et scolaire.
Le « naturel » de ce qui est en réalité le produit d’une éducation, des facilités, ou des difficultés d’un milieu, est également convoqué dans les classes moyennes intellectuelles. On se doit d’être décontracté, pas guindé, pas coincé. On doit présenter un corps hédoniste et sans contrainte. La cravate est vécue comme un carcan insupportable. Les classes populaires, elles, alternent de manière contrastée entre la tenue de travail ou quelconque et celle, soignée, du dimanche.
Une ouvrière de Cellatex, une usine de la vallée de la Meuse, dans les Ardennes, ayant participé à une table ronde télévisée, en compagnie de cadres, de hauts fonctionnaires et de journalistes, a confié son désarroi à François Bon, qui l’a citée dans son récit Daewoo. « Moi, ce qui m’énerve, déclarait-elle, ce sont nos tronches. La différence, qu’on en porte autant sur soi-même, de ce qu’on est et de ce qu’on fait. On peut faire des efforts, courir les soldes, les démarques. Tu en reviendras au même : une manière des épaules, de tenir les mains ou le sac quand tu marches. »
Mais que le corps soit redressé et discipliné, comme dans les familles de la haute société, qu’il soit décontracté, comme dans les classes moyennes intellectuelles, ou qu’il exprime des conditions de vie et de travail difficiles en milieu populaire, chacun vivra cette présentation de soi et cette gestion du corps comme exprimant une réalisation de son essence. Les inculcations les plus arbitraires et les plus contraignantes finissent, lorsqu’elles sont efficacement menées, par être ressenties comme une exigence de la personne elle-même, dans son authenticité unique, qui peut devenir charme et pouvoir charismatique.

Les inégalités face aux soins du corps

Le corps porte les stigmates, positifs ou négatifs, de ses origines et de ses conditions de vie. Les mains ouvrières montrent les traces de leur travail. Celles des princesses manifestent aussi le travail, mais celui de la manucure. Les visages révèlent les conditions difficiles ou confortables de l’existence : les traits tirés et les rides précoces, pour les uns, les peaux toujours légèrement hâlées et lisses pour les autres.
Les caricaturistes dessinaient, autrefois, des capitalistes rondouillards, rebondis comme les sacs de dollars de l’oncle Picsou. Cette tradition se perd : croquer le riche d’aujourd’hui sous les traits d’un gros bedonnant serait un contresens. Au XIXe siècle, le patron était gras, repu, l’ouvrier, maigre, ne mangeait pas toujours à sa faim. L’élévation du niveau de vie s’est traduite d’abord par l’accès des familles les plus modestes à un régime alimentaire de plus en plus riche, tandis que les classes aisées prenaient conscience de la nécessité de surveiller leur alimentation : la diététique fit son apparition. Et les corpulences se sont inversées, au point que l’obésité, problème de santé majeur dans les pays riches aujourd’hui, y menace en priorité les pauvres, certes à l’abri de la faim, mais dans l’impossibilité monétaire et dans une certaine mesure culturelle de s’alimenter de manière à éviter ce mal moderne. Aux États-Unis, la population noire, statistiquement la plus pauvre, est la plus atteinte. En France, les jeunes générations commencent à être marquées, et notamment parmi les enfants de l’immigration qui connaissent des conditions de vie difficiles. Les diététiciens qui, sur les ondes, conseillent de manger cinq fruits et légumes différents chaque jour n’ont sans doute pas conscience qu’une telle alimentation est hors de prix pour les familles modestes.
Pendant ce temps, dans les grands restaurants, la nouvelle cuisine a pris le pouvoir : les immenses assiettes dégarnies sont la règle, qui met en scène une cuisine savante mais où la quantité est un critère négatif. Une alimentation devenue modérée pour une population qui, depuis longtemps, ignore la faim et a expérimenté les méfaits de la suralimentation.
Le corps est encore marqué par la présence ou l’absence de pratique sportive. La grande bourgeoisie n’en a pas l’exclusivité. Mais elle l’inscrit dès le plus jeune âge dans le mode de vie, et ses écoles, celle de Roches à Verneuil-sur-Avre pour exemple, lui donnent une grande place, allant jusqu’à lui réserver les après-midi. Avec des pratiques socialement marquées : le tennis, la voile, le cheval, le golf, l’alpinisme ne sont pas des disciplines particulièrement populaires. Les grands cercles parisiens disposent d’installations sportives, courts de tennis, piscines, salles de gymnastique ou d’escrime.
L’éducation du corps dès la petite enfance est l’affaire du milieu familial. Il s’agit d’apprendre à maîtriser son corps et à le présenter toujours de la manière la plus avantageuse. Se tenir droit est un principe qui ne se discute pas. L’apprentissage des manières de table et des danses de salon complète ce dressage du corps qui accède à l’élégance du geste et au plaisir de lui-même. Le corps est ainsi un autre capital, qui permet de convaincre les autres de l’excellence de la personne qui l’habite. Ldes mouvements et des postures autorise un rapport détendu aux autres et impose la reconnaissance d’une certaine supériorité.
L’habitat grand bourgeois est à la mesure des corps théâtralisés qui s’y meuvent. Généreux en espaces, permettant la mise en scène heureuse de corps faits pour la société, au sens d’assemblée, pour la représentation et les mondanités. La description de la villa louée pour le président Sarkozy et sa famille donne une idée de ces demeures faites pour recevoir, pour rencontrer et gérer les relations sociales. Les corps y sont choyés, disposant de salles de bains à profusion et d’une plage privée pour la baignade. Les soins que réclament ces « corps d’élite » sont exigeants. Le suivi médical de ces corps est à leur image : très soigné. Les franchises à l’ordre du jour pour les soins médicaux doivent faire sourire à Neuilly. Les riches habitants de cette commune, où est implanté le très chic et très cher Hôpital américain, ont l’habitude de faire ce qu’il faut pour être soignés dans de bonnes conditions, même si le remboursement n’est que partiel. On ne lésine pas sur les soins dentaires, même lorsqu’ils relèvent d’une préoccupation esthétique. À l’opposé, les dentures des plus démunis sont souvent en deuil. Paradoxalement, les corps les plus maltraités par le travail sont aussi les plus mal soignés.
Le paradoxe est le même en ce qui concerne les vacances. Elles sont un moment bien utile et nécessaire pour des corps fatigués et usés. Elles sont une parenthèse agréable et joyeuse pour des corps déjà choyés. Pourtant l’INSEE nous apprend que 21 millions de Français, un tiers de la population, n’ont pas pris de vacances, principalement pour des raisons financières. Or, par vacances, il faut entendre les déplacements d’agrément d’au moins quatre nuitées consécutives. Une définition modeste qui met en évidence là aussi de profondes inégalités.
Mais il en est une encore plus profonde, qui implique le rapport à la mort devant laquelle nous sommes loin d’être égaux.

Comment l’argent fait le bonheur (3/4)

Les inégalités face à la mort

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

Le sens commun proclame volontiers l’égalité de tous devant la mort. La fortune est censée ne pas pouvoir s’emporter dans la tombe. Toutefois, la richesse porte en elle les germes d’une forme d’immortalité symbolique qui peut aider à accepter la finitude humaine et à affronter l’inéluctabilité de la disparition de ses proches et de la sienne propre.

L’immortalité symbolique

L’espérance de vie est très inégale selon les groupes sociaux, ce qui tient aux conditions de travail et aux inégalités dans les soins apportés aux corps. Toutefois, même les grands bourgeois finissent par mourir. Mais pas tout à fait : ils bénéficient d« immortalité symbolique ». De quoi s’agit-il ? Pour qu’il y ait transmission et réception de l’héritage dans de bonnes conditions, il faut qu’il existe une lignée, c’est-à-dire une solidarité et une continuité entre les générations. La passation des patrimoines suppose des héritiers, formés pour recevoir cet héritage, soucieux d’assurer la transition et de léguer eux-mêmes à leur tour. La croyance dans l’exceptionnalité du destin de la lignée, une certaine idéalisation et même une sacralisation de la famille sont au principe des transmissions réussies. Celles-ci sont dans la logique profonde du système capitaliste dont la ruée et la reproduction s’appuient sur des structures familiales solides, capables de résister aux vicissitudes économiques et politiques.
Les liens entre les vivants et les morts se tissent dès le plus jeune âge. Nombre de nos interviewés nous ont évoqué leurs ancêtres avec émotion devant leurs portraits, leurs objets personnels, les meubles au milieu desquels ils vécurent. Tel fauteuil était celui que préférait un arrière-grand-père dont on connaît la biographie et qui choisissait ce siège pour sa lecture d’après le déjeuner. Les disparus gardent ainsi une présence vivante, qui leur permet d’accéder au statut d’ancêtre. C’est la condition pour que la richesse accumulée puisse se muer en patrimoine transmis et à transmettre. La mort n’est pas tout à fait la même lorsqu’elle vient prendre place dans la succession de générations qui forment une chaîne appuyée sur un patrimoine qui en est le produit et le soutien. De son vivant l’héritier, qui à son tour va transmettre, sait que son souvenir sera revivifié de multiples façons, par son portrait dans la galerie des tableaux de famille, par la fanfare de vénerie qui sera jouée à la fin des laisser-courre, par la lecture de ses Mémoires, par la transmission de la bibliothèque de livres anciens, passion du bibliophile, ou par celle de la collection de miniatures qu’un des - descendants aura plaisir à reprendre et à - continuer.

Cette immortalité n’est pas réelle, mais, même seulement symbolique, elle vaut mieux qu’un hypothétique au-delà, auquel par ailleurs elle n’interdit pas de croire. Elle n’a pas besoin de sépulture fastueuse, elle ne fonctionne pas dans la logique de la pyramide des pharaons. Le tombeau de James de Rothschild, au Père-Lachaise, fondateur de la branche française de cette illustre famille, est bien modeste en regard de son immense fortune. Mais, de son vivant, le baron James n’ignorait pas qu’il serait l’une des figures de l’histoire du XIXe siècle, et que, continuateur de la lignée commencée dans le ghetto de Francfort, allié aux branches fondées par ses frères aux quatre coins de l’Europe, la famille ne risquait pas de sombrer dans l’oubli. La simplicité du monument incite à penser que la dynastie Rothschild perdure au-delà de l’existence transitoire de ses membres et que c’est sur un mode essentiellement collectif, dans la pérennité d’un patronyme, que peut se construire cette dénégation de l’éphémère que proclament les grandes familles. D’où l’importance des châteaux construits par les Rothschild dans l’Oise ou en Seine-et-Marne, ou mieux encore des vignobles acquis dans le Bordelais. Le château est, par son apparente éternité, et par l’espace qu’il offre, le temple parfait de la mémoire familiale. La vigne, élément vivant du patrimoine, symbolise également la durée de la dynastie.

Demeures historiques, logements éphémères

Les sagas familiales s’appuient donc volontiers sur le château qui en matérialise la réussite et la durée. Monument historique classé par les services de l’État, il certifie la valeur illustre de ceux qui l’habitent. À l’autre extrémité de la société, le destin quelque peu tragique de ces tours ou de ces barres d’HLM, qui disparaissent dans les apocalyptiques volutes de poussière provoquées par leur implosion programmée, est significatif de la valeur patrimoniale de cet habitat : nulle. L’existence populaire est vouée au précaire et à l’éphémère. Il est logique que cet habitat soit provisoire : c’est en harmonie avec la condition de ceux qui ne font que passer sans laisser de traces, tout au moins de traces identifiables. Le travail de chacun se perd dans la masse du travail de tous, dans la multitude des tâches anonymes. Les historiens, qui s’appuient avant tout sur les traces écrites, accordent une place démesurée aux élites. « Rome la grande est pleine d’arcs de triomphe - qui les érigea ? » se demande Bertolt Brecht, avec une fausse naïveté, dans Ce que demande un ouvrier qui lit. Le jeune Alexandre, qui conquit les Indes, n’avait-il même pas un cuisinier à ses côtés, s’interroge-t-il, mettant en évidence l’égocentrisme de classe d’une histoire qui ne prend en compte que les personnages illustres.

L’usure du temps qui affecte les châteaux, les objets d’art et le mobilier n’est pas un affront mais un élément de prestige qui peut s’afficher avec ostentation : le temps permet d’être au-delà du périssable. L’usure ajoute même une bonification économique : alors que dans les autres milieux sociaux les maigres biens accumulés perdent leur valeur au fil des générations pour devenir très vite obsolètes et ne mériter que le sort peu enviable des objets encombrants abandonnés sur les trottoirs, la plupart des biens qui meublent l’espace de la vie quotidienne des grands bourgeois accèdent au statut d’objet d’art. Si bien que les familles finissent par habiter des maisons qui peuvent devenir telles quelles des musées, comme les hôtels particuliers de Nélie Jacquemart-André et de Nissim de Camondo, à proximité du parc Monceau, à Paris.

« La mémoire des pauvres, écrit Albert Camus dans le Premier Homme, déjà est moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise. Bien sûr, il y a la mémoire du coeur dont on dit quest la plus sûre, mais le coeur s’use à la peine et au travail, il oublie plus vite sous le poids des fatigues. Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches. Pour les pauvres, il marque seulement les traces vagues du chemin de la mort. Et puis, pour bien supporter, il ne faut pas trop se souvenir. »

Camus fait toutefois l’impasse sur la mémoire collective fondée sur les luttes sociales et politiques des travailleurs pour faire valoir leurs droits. Les syndicats et les partis qu’ils ont créés portent cette mission de transmettre la mémoire des luttes, qui est encore à l’origine d’une autre immortalité symbolique, celle de la classe.

Comment l'argent fait le bonheur (4/4)

L’argent fait-il le bonheur ?

Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.
Le savetier plutôt que le financier !

La vulgate du sens commun affirme que l’argent ne fait pas le bonheur, mais… qu’il peut y contribuer. Faisant de nécessité vertu, on préfère croire que la richesse n’apporte pas la félicité mais plutôt des contraintes. Un certain dépouillement serait plus favorable à une existence libre et heureuse. Le financier de la fable de La Fontaine, « tout cousu d’or, chantait peu, dormait moins encore », alors que son voisin le savetier « chantait du matin jusqu’au soir ».
Ce lieu commun est repris dans une certaine presse écrite et audiovisuelle, autour des thèmes de l’enfer des riches, notamment avec les jeunes des beaux quartiers, tous accros à la cocaïne ou aux soirées folles et capricieuses. Les malheurs sentimentaux qui affligent les familles régnantes, les vedettes du show-business ou les étoiles du football alimentent les gazettes, qui illustrent aussi leurs articles des photographies de villas tropéziennes, de yachts interminables et de Ferrari rutilantes. Mais c’est pour mieux souligner combien les divorces, les maladies, les accidents viennent remettre à leur place cette opulence qui, de toute évidence, ne suffit pas au bonheur. La fortune n’est pas tout et elle peut s’accompagner d’une grande détresse. Décidément, pour reprendre une autre fable, « les raisins sont trop verts ». En sollicitant sa pitié et sa compassion, cette littérature détourne l’attention du lecteur populaire des inégalités qui se cumulent dans tous les aspects de vie sociale.
Une idée insupportable : le cumul !

Nombre de chercheurs en sociologie nous ont paru être plus intéressés par les échecs et les dysfonctionnements des dominants dans les processus de reproduction des rapports sociaux que par cette reproduction elle-même. La transmission se ferait mal, et un lieu commun est parfois présenté comme une loi : la première génération crée la fortune, la seconde la gère et la troisième la dilapide. Le capitalisme familial aurait disparu et l’économie serait maintenant aux mains des managers de fonds de pension et de fonds spéculatifs aux ramifications internationales.
L’idée du cumul des différentes formes de richesse est insupportable à ceux qui doivent souvent tout à leur capital scolaire. Ainsi les préjugés sur une prétendue infirmité culturelle des classes dominantes sont toujours présents. Les patrons de l’industrie, les femmes « du monde », les élèves de Janson-de-Sailly sont supposés, a priori, être des béotiens, des gens de peu de culture. On leur reconnaît difficilement des compétences artistiques, des goûts littéraires qui ne soient pas naïfs ou convenus. Le rapport aux choses de l’esprit serait purement mondain, donc superficiel. Ces représentations reposent sur un axiome : là où il y a beaucoup d’argent, il ne peut y avoir beaucoup de culture. Plus généralement, ce sens commun des classes moyennes intellectuelles leur permet de construire une représentation semi-savante du bourgeois comme être intellectuellement borné. Il est vrai que l’idée du cumul des diverses formes de capitaux au plus haut niveau peut avoir quelque chose d’irritant pour ceux qui ont été constitués dans des systèmes dichotomiques qui opposent la culture aux autres richesses. La richesse matérielle serait ainsi incompatible avec une pensée forte originale, les qualités littéraires et intellectuelles seraient antinomiques avec la beauté physique pour une jeune fille.
Or nombre de grands bourgeois sont d’authentiques esthètes, artistes, hommes de lettres ou savants. Michel David-Weil, associé gérant du groupe Lazard (grande banque privée internationale), est aussi président du Conseil national de la Réunion des musées nationaux, qui gère les achats d’oeuvres par l’État. Parmi les Rothschild, on trouve une danseuse classique et un auteur dramatique qui fut célèbre au début du XXe siècle. Nombre d’écrivains sont nés dans la « bonne » société, dont Jean d’Ormesson. Le prince Gabriel de Broglie fut prix Nobel de physique. La culture et l’argent ne sont pas incompatibles. Une certaine aisance financière de la famille est un facteur favorable à l’acquisition d’une culture multidimensionnelle, ne serait-ce que par la fréquentation des établissements scolaires offrant de très bonnes conditions d’études et un milieu de condisciples stimulant.
L’irrecevabilité est à son comble lorsque nous soulignons que les capitaux accumulés finissent par avoir des effets sur les personnes et que l’incorporation des manières, des savoirs et des savoir-faire symboliques modèlent les personnalités qui doivent une partie de leurs privilèges aux qualités réellement intériorisées, comme l’aisance en public. Il ne s’agit pas de réhabiliter la notion de don, mais de souligner le résultat de toute une éducation socialement efficace.
On est alors toujours surpris d’entendre parler, y compris par des sociologues, de « fin de race » à propos de nobles ou de grands bourgeois. L’expression de leur rejet de ce monde d’héritiers passe par la dépréciation de leurs corps, ce que recouvre l’usage du mot « race ». Il est même étonnant que ce mot soit utilisé alors qu’il est proscrit du langage sociologiquement ou politiquement correct. La « fin de race », c’est à la fois la reconnaissance d’un passé d’excellence sociale et l’affirmation, consolatrice, d’un présent de décadence. Le sarcasme et la plaisanterie sont des armes dérisoires face aux positions occupées dans la société par ceux dont, en fait, on reconnaît le pouvoir en essayant de les tourner en dérision.
Retour à la classe sociale ?
Les classes sociales sont à un état de construction et d’achèvement très variable. La bourgeoisie montre beaucoup d’opiniâtreté dans son effort constant pour gérer ses frontières et pour transmettre les richesses au sein de la même confrérie des grandes familles. Les classes moyennes sont un véritable carrefour social. Quant à la classe ouvrière, ou aux classes populaires dans leur ensemble, le reflux est manifeste : le recul de l’influence des organisations syndicales et politiques qui travaillaient à la mobilisation de la classe se traduit par un éparpillement des prises de position. Dès le premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy recueillait 72,6 % des voix à Neuilly, Ségolène Royal devant se contenter de 7,5 %, et Marie-George Buffet de 65 voix (soit 0,19 %). Dans le même département des Hauts-de-Seine, de l’autre côté du fleuve, la commune populaire et communiste de Nanterre, avec un nombre de voix exprimées très proche (35 500 contre 33 450 pour Neuilly), présente un grand éclatement des voix. Ségolène Royal a certes devancé Nicolas Sarkozy avec 36 % des suffrages contre 23,9 %. François Bayrou a recueilli 18,9 % et Le Pen 7 %, plus que Marie-George Buffet, qui n’a rassemblé que 4,6 %. La lucidité politique est donc bien plus ancrée à Neuilly qu’à Nanterre, malgré le long passé militant de cette ville. La désindustrialisation y est pour beaucoup car le patrimoine industriel était le patrimoine de la classe ouvrière.
La sociologie des classes dominantes met en évidence les inégalités de tous ordres qui s’enracinent dans la richesse. Être riche facilite la vie et la rend plus agréable. Il est difficile de soutenir que l’aisance matérielle ne donne pas certaines satisfactions. D’autant qu’elle s’accompagne de pouvoirs sur l’espace et le temps et qu’elle facilite l’accès à la culture. Par la mondialisation, le pouvoir des puissants se renforce encore. La classe ouvrière perd ses repères et ses bastions. La conscience claire de l’amplitude démesurée des inégalités vaut pourtant mieux que leur sous-estimation.
Le tableau de la richesse, dans sa diversité, est dans un premier temps décourageant. Mais sans la conscience des inégalités profondes et des injustices qui la fondent, on en arrive trop vite à en prendre son parti et à baisser les bras.

lundi 17 septembre 2007

Des questions embétante

Reste des questions embêtantes.
Un des premiers problèmes vient de l’apparent désir de mener de front toute une série de contestations des oppressions comme si , toutes réelles qu’elles soient , elles se valaient du point de vue pratique dans la recherche d’une société "meilleure", et en attendant des améliorations au concret.
Une addition de "fronts" ne fait pas un parti ou un mouvement, si ce n’est un bref instant avant d’éclater.

Le monde, malgré sa complexité, a sa hiérarchie , et c’est la lutte de classes qui en est le centre, qui est le centre structurateur des batailles. Un parti, ou un mouvement, même si il n’y a aucun doute qu’il doive être aux côtés de tou(te)s ceux qui se battent contre des oppressions , doit avoir au centre de sa stratégie de transformation ce qui renouvelle sans cesse et sans cesse la domination d’une classe sur le monde, l’exploitation capitaliste, bref un parti ou un mouvement a les travailleurs au centre de ses actes.
Car c’est là que se gagne ou se perd, se gagnera ou se perdra, la bataille pour une société qui fasse reculer exploitation et oppressions. La bataille dans les entreprises, aux côtés des travailleurs sans emplois, des futures travailleurs, des travailleurs sans toit ou mal logés, etc, est celle qui donne le la et force à la gauche si elle veut perdurer et surtout se renouveler.
La lutte des classes n’est pas un élément ésotérique d’un vaste front contre les oppressions, elle en est le centre et le moteur, du moins pour un mouvement aspirant à aider à l’accouchement d’un monde meilleur. Un mouvement ou un parti de gauche qui se présenterait comme un vaste front contre les oppressions ne serait pas ma tasse de thé, même si un mouvement ou un parti de mon coeur devrait être contre toutes les oppressions et faire face à toutes avec solidarité.
L’autogestion est sur le chemin de cette bataille, le pouvoir au concret des travailleurs sur leurs entreprises. Sans cela la classe capitaliste continuera de commander et gouverner nos destins, que ce soit sur les OGM ou que ce soit sur les discriminations suivant les commodités de directions des affaires du monde par cette classe. Et cette bataille à mener pour disputer le pouvoir aux patrons nécessite bataille dans les entreprises et les entreprises au centre des batailles du futur mouvement ou parti.
Discuter d’un parti , d"un mouvement , sans hiérarchiser, sans débattre concrètement de cette question comme décisive me semble aller vers une forme de radicalisme (au sens radical-socialiste) qui n’est pas souhaitable.
Il me semble qu’on peut faire beaucoup mieux. Copas
Hum, ou pas, la question, comme dirait Charles n’est pas de sauter sur une chaise en disant "nouveau ! nouveau !"...effectivement...
L’ensemble de la gauche est dans une situation explosive. Et c’est normal (il est même curieux que cela ne soit pas arrivé plus tôt) vu tout ce qui c’est passé ces 25 dernières années...
Chaque parti doit se reconstruire (rien de spécifique dans le terme, ni attachement), le PCF par exemple a visiblement des orientations en son sein qui ont beaucoup de difficultés à être convergentes, ou qui sont tout simplement opposées. Et ça Autain n’aide pas à résoudre le problème et à aider sur le débat de ce parti. Elle est dans un flou attrape tout.
La question, pour le PCF en particulier, n’est pas de savoir si il doit se fondre dans une grande bouillie mais de savoir ce qu’on veut comme société, d’analyser la société actuelle, comment on se bat , quel outil politique on utilise, et après lever les yeux du guidon et regarder qui est avec nous là dessus et qui ne l’est pas, les proximités et les éloignements. Et éventuellement , surement même, scissionner d’avec ceux qui sont plus proches du parti de Hollande, DSK et Lamy , que des travailleurs.
Les discours peuvent flotter sur l’écume mais suivre les actes est utile pour savoir de quel côté on est dans cette dernière affaire, et c’est vrai quer les velléités retombent souvent sur des alliances avec des socio-libéraux qui font douter les travailleurs qui finissent par répéter : "tous pareils....". Ou autrement dit pendant les grandes colères contre l’ultra-libéralisme (Mai 2005) on laisse passer l’orage et après on remet en selle le vieux cow boy arthritique qui nous tire dessus dans tous les sens au nom de l’union de la gauche contre l’ennemi commun.
Personne , qui s’intéresse à la politique, n’est sensé ignorer que , plus loin que les discours, le PS est sur une ligne politique ultra-libérale, et en phase également d’écraser la démocratie en son sein car le virage qui va être demandé est gros. S’allier avec eux à nouveau, c’est partager l’opprobre. Pire même c’est être assuré que, puisque on se retrouve sans cesse finalement avec eux , autant être chez eux......
Je dis cela car , pour les municipales, on nous bassine déjà dans une série d’endroits sur une réanimation de la gauche plurielle, sous divers formes..... Rien ne devient plus urgent que cela et il s’agit de faire n’importe quoi à nouveau contre l’ennemi commun....
Bordel de Municipales ! A nouveau des élections qui seront prétexte à du n’importe quoi, à des alliances foireuses, et des soutiens à des divas du parti social-libéral. Déjà des Alternatifs et des Communistes dans certaines villes (comme Nice) appellent à une union de toute la gauche ....
C’est pas cela qui est urgent, l’ennemi en face lui ne "débande" pas de son programme, divas élues ou pas, ce qui compte ce sont abattre les régimes spéciaux, agresser les retraités, attaquer la sécu et le système sanitaire français, s’attaquer aux chômeurs, précariser les travailleurs, faire des cadeaux à la bourgeoisie, etc.
Les municipales doivent être une tribune, des batailles au service des batailles ci-dessus. Sinon ça n’a pas de sens.
Il y a donc , même dans la gauche anti-libérale, des discours et des actes qui sont contradictoires. Dans un parti c’est plus grave.
Reprendre du poids, passe par une cure d’amaigrissement des fois.
Alors oui le PCF devra probablement fonder un nouveau parti, mais certainement pas un polochon informe où la base ne contrôle rien, sans projet autre qu’une unité floue et des objectifs prêtant à confusion. Ce n’est pas une machine à faire des élus qu’il faut, mais une machine à aider aux conquêtes sociales et à avancer vers une société socialiste. Oui il y aura besoin de tous les talents , mais d’abord ceux des travailleurs et des jeunes.
Oui ce projet de régénération (c’est bon là le terme ? personne ne l’a utilisé ?) a sur sa route bien des convergences avec des petits groupes révolutionnaires (LCR, LO, Anars, ....), du moment que ce projet avance par rapport à des batailles au concret, par rapport à la politisation des travailleurs.
Copas

samedi 8 septembre 2007

Dépasser le capitalisme !

DEPASSER LE CAPITALISME : TELLE EST « LA » QUESTION .(I)
( par Olivier Gebuhrer ;Mathématicien , membre du C.N) .
"Oui , il y a matière à débattre : 1) A quel problème déterminant est confronté la planète ?
A mon sens , il s’agit de trouver les voies et moyens de dépasser le capitalisme ; le dire implique qu’il s’agit d’une question qui ne peut être l’affaire « d’un seul pays » , qui s’inscrit dans la durée , ne comporte pas de « stades » intermédiaires , mais constitue un processus historique permettant un changement de civilisation ; dans ce processus , qui suppose des individus conscients , les ensembles nationaux jouent un rôle qui ne saurait être sous-estimé : les coups portés au système capitaliste ont un pays donné pour épicentre et l’onde de choc est mondiale . Soit dit en passant , si F Hollande, découvre, apparemment récemment, qu’on ne « va pas tromper les gens en annonçant la fin du capitalisme » , et que « le grand soir c’est fini » , il y a beau temps que les communistes , pour leur part , se sont confrontés à cette idée aujourd’hui des plus banales ; si les déclarations de F Hollande ont un sens , c’est uniquement pour indiquer qu’aujourd’hui, la question du dépassement du capitalisme n’est PAS une question pour lui .
Elle ne l’est pas non plus pour O Besancenot qui visiblement tient pour un objectif en soi « l’anticapitalisme » ce qui n’a à peu près rien à voir avec les exigences du temps .
Bien évidemment, il faut d’entrée de jeu savoir si cette idée du dépassement du capitalisme est un objectif nécessaire et atteignable, sans se fixer de calendrier, on l’a dit .
Or non seulement le capitalisme ACTUEL, s’il continue d’entraîner dans son cours une révolution permanente des forces productives, ne le fait pas à la façon d’hier ; les forces productives que le développement capitaliste entraîne sont de plus en plus captives de la logique financière qu’il tente d’imposer à la planète ; de plus , et pour la vie quotidienne des êtres humains , c’est le plus visible et le plus insupportable , le progrès du capitalisme, se traduit aujourd’hui par davantage d’oppression ,de formes nouvelles de domination , d’exploitation des êtres humains par d’autres ; le capitalisme d’aujourd’hui ronge la planète : la Grèce qui brûle en est l’exemple le plus récemment intolérable. Analyser le capitalisme d’aujourd’hui est plus indispensable que jamais , encore faut –il le faire en continu . Ce n’est pas mon objectif ici .
Mais ce qu’il importe au premier chef de mesurer c’est que dans le temps où le capital développe son emprise de façon renouvelée sur l’ensemble des aspects de la civilisation humaine , tous les moyens existent aujourd’hui pour que les besoins essentiels des individus et des peuples soient satisfaits : ni la famine , ni les pandémies , ni la misère , ni le sous –développement (terme employé ici pour aller vite ) ,ne sont inéluctables ; la productivité du travail est telle aujourd’hui que les formes que le capital maintient et développe pour assurer le renouvellement de la production sont pour une large part obsolètes ; le travail contraint n’est plus une nécessité, même si le capitalisme entretient par tous les moyens l’idée inverse , il doit compter aussi avec cette donnée , inimaginable , il y a un siècle .
Le capitalisme a donc fait son temps . Or le dépasser suppose d’en utiliser certaines formes qui demeurent et demeureront encore longtemps à la fois inscrites dans les consciences et les processus divers qui ne peuvent s’inscrire dans le cadre de nouvelles formes nécessaires d’appropriation sociale et collective des grands moyens de production et d’échange ; d’utiliser ces formes CONTRE lui et non pas POUR lui ; c’est pourquoi des mesures structurelles sont à la fois indispensables et insuffisantes ; c’est pourquoi , on ne peut assigner de terme au processus de ce dépassement qui implique évidemment une révolution sociale et politique nouvelle ;on a dit plus haut qu’une telle révolution est mondiale dans son essence , mais qu’elle trouve ses points d’ancrage dans le patrimoine historique de chaque peuple , de chaque nation .
Cela n’a RIEN à voir avec on ne sait quel « compromis historique » qui n’eût jamais d’historique que le nom .
Tout cela est nouveau ; rien de tout ceci n’était seulement envisageable à la naissance des partis communistes , encore bien moins dans le cadre de la Russie soviétique ; on a oublié les avertissements répétés de Lénine , sur le caractère RETARDATAIRE de la Révolution soviétique , oublié ses avertissements sur le fait que pour que celle-ci s’accomplisse , il fallait que des pays capitalistes développés s’y engagent .
On ne peut ici s’attarder –et c’est dommage- sur l’itinéraire intellectuel des Partis communistes qui ne surent pas comprendre ce que tout cela signifiait .
Nous y sommes , de force ; il eût été préférable de le faire de gré . Structurante de part en part , la question du dépassement du capitalisme est l’enjeu central du Congrès du PCF .
2) ALLIANCES, STRATEGIE, ou VISEE communiste.Nous l’avons dit d’entrée : ce que s’efforce de faire le capitalisme d’aujourd’hui vise à entraver par tous moyens la LIBRE COOPERATION d’hommes et de femmes LIBRES ET EGAUX en droits et en devoirs.
Au fond , bien qu’on puisse discuter ce raccourci , cette LIBRE COOPERATION résume ce que nous appelons aujourd’hui la visée communiste ; toute démarche politique des communistes et de leur parti doit donc être sous-tendue par deux questions : la première est celle de savoir si telle décision permet une avancée fût-elle millimétrique , vers un dépassement du capitalisme et la seconde est de savoir si telle décision est de nature à permettre l’appropriation la plus large possible par les citoyennes et les citoyens eux-mêmes, dans leur diversité , des démarches , des problématiques qui concourent à façonner leur existence.
Le communisme ne consiste pas à « prendre le pouvoir » MAIS A LE RENDRE ; savoir si c’est ce que nous avons fait jusqu’ici n’est pas le but de cette tribune . J’ai l’intention de développer certaines idées qui ne peuvent faute de place être exposées ici , dans une autre tribune : il faut savoir pourquoi la question de TOUTE LA GAUCHE est d’actualité , savoir de QUEL Parti nous avons besoin , et de quelle GAUCHE ; comme l’écrivait A Hayot dès le lendemain des législatives : il y a DEUX espaces à cultiver : l’espace communiste et celui de la gauche ; confondre les deux dans une même trajectoire ne rapproche en rien les objectifs de l’époque , conduit à la confusion et maintient en l’état des défauts importés de nos années d’errance ."

jeudi 23 août 2007

La Droite se saisie de l'Universitée

Auteur : Tanguy Dufournet <dufournet.tanguy@orange.fr>

Sarkozy dit qu’il est dans la rupture, qu’il n’est pas de cette vieille droite qui a trahi, qui a trompé, qui avance sournoisement quand les gens ne sont pas là pour se défendre, pour combattre de mauvaise mesure ou pour donner leur avis... La mauvaise foi de certain sera de dire « mais non, il fait un truc bien! », alors qu’en réalité, sa première mesure de réforme des universités, pour fonder la nouvelle université, est une mauvaise réforme, une réforme tendant vers l’inégalité.

N’oublions pas que le fondement idéologique de la droite (issus d’une scission au sein de la Nouvelle droite) est l’anti égalitarisme... le même fondement dogmatique que celui de l’extrême droite... Nous pouvons parler aujourd’hui de « peste bleue ».

Parlons plus précisément de la réforme des universités qui s’est faite par la loi sur l’autonomie des universités - votée en douce - dite la loi Pécresse. Je suis allé chercher mes infos sur les sites d’Etats, sur le site d’UNI, le syndicat étudiant de droite et plus, et donc des sites favorables à ce projet de privatisation.

Je vais vous montrer comment ces partisans se contredisent et masque la vérité avec leur méthode de sophiste. Il est nécessaire de ne pas se placer dans une simple opposition, il faut impérativement écouter, comprendre la logique des arguments adverses pour simplement montrer leur contradiction interne. Agissons donc avec philosophie comme le ferait Kant. Celui-ci à juste titre nous dit « la vérité formelle consiste simplement dans l’accord de la connaissance avec elle-même en faisant complètement abstraction de tous les objets et de toute différence entre eux. » et parce que « ces critères formels universels ne sont assurément pas suffisants pour la vérité objective […] ils doivent cependant être considérés comme sa conditio sine qua non. » Autrement dit, si du seul point de vue logique, théorique, il y a contradiction c’est l’ensemble de la vérité qui est fausse et cela même dans sa pratique.

1- Rendre les universités autonomes revient à les privatiser

A cela l’UNI dit FAUX:

Si les universités privées sont bien plus autonomes que les universités publiques, voire le sont intégralement, cela ne veut pas dire que des universités autonomes sont forcément privées. Car c’est l’Etat qui fixe les principales règles, notamment de financement. Même aux Etats-Unis, où il existe de nombreuses universités privées, la majorité des universités restent publiques, malgré une forte autonomie dans leur fonctionnement.

En somme, si une droite A est parallèle à la droite B et que la droite B est parallèle à la droite C alors la droite C est parallèle à la droite A mais la réciproque n’est pas vrai. Ce qui est logiquement incorrect. Je recommence. Si une université est privée alors elle est autonome, mais si une université est autonome, elle n’est pas privée. A cela ils nous disent que c’est l’Etat qui fixe les règles de financement… Or cette autonomie supprime l’influence de l’Etat (entre autre) dans ce domaine. Ce qui veut dire qu’il y aura une probable augmentation des frais d’inscription puisqu’il y a désinvestissement de l’Etat mais ça veut dire aussi des universités à plusieurs vitesses... On y vient avec l’autre exemple de l’UNI : celui des Etats-Unis. Il est clair que les Etats-Unis sont connus pour l’égalité de leur système éducatif, sans ghetto, et par le fait que les parents n’économisent pas dès la naissance des enfants pour leur payer leurs études dont le prix s’élève à bien plus que celui de nos Ecoles privées (et pas université).

Par conséquent, si rendre autonome les universités ce n’est pas les privatiser, c’est y tendre et la prochaine étape sera justement la privatisation. De plus nous venons de voir que cet argument, et non seulement, logiquement douteux, si ce n’est faux, mais qu’il est également de facto faux.


2- L’autonomie des universités existe déjà en France

A cela l’UNI dit VRAI et FAUX:

Si l’autonomie des universités est inscrite dans les textes (loi Faure de 1968, qui a consacré leur autonomie administrative, pédagogique et financière ; loi Savary, qui a refondu les grands principes d’organisation), celle-ci reste bien plus limitée que la plupart des pays de l’OCDE.

La loi Faure et le décret Savary ont sonné le glas de la déchéance institutionnelle des Universités en France qui sont des mesures prises par des hommes politiques de Droite et de gauche droitière - de gauche conservatrice ou comme l’appelle Marx « petite bourgeoise ». Preuve est faite - s’il en fallait une - que le chef de la peste bleu est réellement dans la rupture avec les politiques précédentes.

L’expérience nous donne une connaissance certaine des conséquence d’une telle réforme : L’analyse précise des chiffres (sur une seule discipline, la psychologie, prise comme banc d’essai), montre que le décret de 1984 a pour conséquence la réduction de 20 % environ du pouvoir d’achat en fin de carrière pour 65 % des professeurs (10 % de l’effectif global), un effet d’apparence « minoritaire » dont les répercussions sur l’ensemble de l’institution universitaire ont été en réalité considérables.

(Source : http://www.cairn.info/resume.php?ID_REVUE=CNX&ID_NUMPUBLIE=CNX_078&ID_ARTICLE=CNX_078_0047 )

En somme la réforme de ce gouvernement consiste à aller plus loin - et dans la même direction - dans la logique des lois Savary et Faure.

Ensuite l’OCDE est l’Organisation de coopération et de développement économiques... lier les universités à une logique économique et donc de rentabilité n’est-ce pas la faire rentrer dans une logique, non plus éducative mais, d’entreprise privée ? La réponse est évidente car après tout nous savons bien qu’aucune entreprise ne laisse fonctionner une filiale qui n’est pas rentable. Ainsi certaine filière pourrait tout simplement disparaître.

3- La loi sur l’autonomie induira forcément une hausse des droits d’inscription

A cela l’UNI dit FAUX:

Aujourd’hui, c’est l’Etat qui fixe le montant des droits d’inscription, qui reste très faible comparé aux autres pays développés. Si l’autonomie des universités sera accrue suite à la loi, ce ne sera pas le cas concernant les droits d’inscription. Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a déclaré sa volonté que la fixation des droits d’inscription restent de la responsabilité de l’Etat et ne soient pas augmentés.

En effet, vous l’aurez compris tout réside dans le « Aujourd’hui » c’est-à-dire « aujourd’hui quand la loi n’est pas encore votée » (à l’époque de l’article de l’UNI la loi n’était pas votée- le 5 juin). De plus il se contredit avec la question d’augmentation des frais d’inscription et le premier point où il prend l’exemple des Etats-Unis où les frais d’inscription sont exorbitants. Notons aussi que l’autonomie à son prix. Autrement dit, si certaines universités ne peuvent pas supporter économiquement leur autonomie alors nous aurons un système à plusieurs vitesses. Pour supporter cette autonomie, elle aura besoin d’un soutient économique, or l’Etat qui se désinvestit de cette responsabilité, ne soutiendra pas les universités. De fait, il y aura augmentation des frais d’inscription ou suppression pure et simple de poste et de filière. Or Valérie Pécresse s’est engagée à ce que les frais d’inscription n’augmentent pas, restons alors vigilant dans le cas où nous sommes optimistes, ou sinon n’oublions la célèbre citation de Chirac, père spirituel de Sarkozy : « Les Promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

4- Les relations universités-entreprises seront améliorées grâce à plus forte autonomie

A cela l’UNI dit VRAI:

Le système français ne favorise pas le développement des liens entre universités et entreprises. Quelque soit le degré d’autonomie supplémentaire qu’offrira la loi, les partenariats avec les entreprises (programmes, financements, recherche...) n’en seront que plus facilités.

En fait on découvre le pot aux roses tout au long de l’article.

L’entreprise, si on traduit, aura un droit de regard sur les programmes, les financements et la recherche. Ainsi qui sera bénéficiaire des découvertes universitaires, en matière scientifique par exemple ? Ce n’est plus l’Etat mais l’investisseur donc l’entreprise privée. De plus on peut craindre l’affaiblissement de « la formation intellectuelle » en faveur d’un encouragement à une formation professionnelle ainsi que si c’est l’entreprise qui finance la recherche alors elle ne financera que ce qui l’intéresse, autrement dit certaines portes se refermerons parce que les découvertes qu’elles amènerons ne pourront pas faire l’objet d’une utilisation mercantile.



5- Les présidents d’université sont contre une autonomie accrue des universités

A cela l’UNI dit FAUX:

Depuis longtemps, les présidents d’université, réunis par la conférence des présidents d’universités (CPU) se prononcent pour une réforme permettant de donner plus d’autonomie aux universités. En 2001 déjà, ils avaient organisé un colloque dont les conclusions allaient dans le sens d’une réforme. Cela n’est que peu étonnant, vu qu’ils connaissent mieux que quiconque les blocages dus à notre système centralisé.

Certes oui... mais ce n’est pas de cette réforme qu’ils veulent, et pas de cette autonomie là. Ce qui est étonnant c’est qu’on parle de « blocage dus à notre système centralisé » donc la solution selon l’UNI serait une décentralisation donc un désinvestissement de l’Etat et donc une privatisation des universités. Ce qui serait par conséquent en contradiction avec ce qui a été dit jusqu’à présent.

6- La loi va accroître les inégalités entre les universités, et créer un système à deux vitesses, entre des grandes universités qui s’en sortiront d’une part, et les autres.

A cela l’UNI dit FAUX:

Le système à deux vitesses existe déjà, entre les Grandes Ecoles, qui bénéficient d’une grande autonomie, contractent de nombreux partenariats avec les entreprises, peuvent sélectionner leurs étudiants, fixer librement leurs droits d’inscription, élaborer leur programme librement..., et le universités, qui sont à la traîne. Le but de la loi est justement de donner les moyens aux universités de rattraper leur retard, grâce à un système de gestion rendu justement plus souple. Et une plus grande autonomie les incitera à mener une politique de l’excellence, afin d’attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs.

Saluons leur culot ! Si l’inégalité existe comme ils nous le disent c’est à cause de la privatisation, puisque les grandes écoles sont généralement privées et que les universités non, et ces sophistes veulent nous faire croire que la privatisation est le remède.

Si vous remarquez c’est dans ce paragraphe que nous avons tous les détails de la loi, ou du moins une grande partie. On parle de sélection des étudiants... je ne parlai pas d’anti égalitarisme ?... et pas n’importe quels étudiants : les meilleurs. En plus d’avoir une vision élitiste ils veulent contraindre les élèves moyens (qui pourraient plus tard être de grands scientifiques ou de grands juristes) à une orientation de formation professionnelle genre Bac Pro, CAP, BEP, alors qu’ils ont déjà une licence, la sélection ne se faisant qu’à l’entrée du master. En effet, la formation professionnelle commence au master, or ils veulent sélectionner les élèves qui rentreront ou non en master, leur refusant alors une formation professionnelle. De plus nous connaissons déjà les problèmes de discrimination à l’embauche qu’est-ce qui nous assurera alors que ces pratiques ignobles ne se feront pas lors de la sélection ?

De plus ces bons élèves généralement sont issus d’un milieu favorisé, ou de lycée ou collège privées, ils ont donc une formation plus poussée, grâce aux sous de leurs parents (cela ne concerne pourtant qu’une minorité des jeunes qui pour la plupart vont dans le public où les inégalités sont accrues à cause du manque de moyen, la droite considérant l’éducation nationale comme une peau de chagrin)

Ensuite fixer librement leurs droit d’inscription ça veut dire que ces Ecoles fixent elles-mêmes les tarifs d’inscriptions et les conditions (il faut des conditions, autre que celle d’avoir son bac). De plus les tarifs des écoles privées - bien que déjà très élevé - sont encore relativement abordables par une partie de la population, mais cela grâce au fait que les universités publiques qui proposent un enseignement de qualité tirent les tarifs d’inscriptions vers le bas.

Enfin élaborer leur programme librement, cela signifie que certaine filière pourront être supprimée et que l’enseignement ne sera plus le même de partout… ce qui revient à parler d’université à double vitesse.


7- Les CROUS ne sont pas concernés par la loi

A cela l’UNI dit VRAI:

La loi sur l’autonomie des universités ne concerne pas les aides sociales étudiantes, gérées par les CROUS (Conseils Régionaux des Œuvres Universitaires et Scolaires). Cependant, selon son contenu, elle pourrait inciter à diversifier le système d’aides sociales, en incitant les universités, collectivités locales, entreprises, fondations privées... à participer aux aides sociales (bourses, restauration, logement).

Et bien on ne peut pas reprocher à l’UNI d’être de droite et de ne pas avoir de la suite dans les idées… ça serait redondant. Il faut réfléchir aux conséquences. S’il y a sélection des élèves, les meilleurs pourront avoir une bourse, logement...etc. sauf s’ils ont des parents riche et donc qu’ils n’ont pas besoin de bourse. Or comme les frais d’inscriptions vont augmenter et que comme le budget d’aide va rester le même ils ne pourront donc plus aider autant d’élève qu’avant, donc augmentation des inégalités. Les aides d’ailleurs ne seront alors plus publiques mais privées... soit un pas de plus vers la privatisation des universités. Ce qui engage également que les critères d’obtention d’une bourse pourront ne plus être des critères sociaux.

8- La loi va être votée dans la précipitation

A cela l’UNI dit FAUX:

Il suffit de voir les réflexions qu’ont déjà mené de nombreux syndicats représentant les personnels enseignants et administratifs et les étudiants, ainsi que les nombreux rapports qui ont été rédigé depuis plusieurs années, pour voir que les esprits sont mûrs à une réforme. De plus, Nicolas Sarkozy avait élaboré de nombreuses réflexions sur l’autonomie des universités durant sa campagne qui alimentent le projet de réforme. Cela n’empêche pas une concertation de se faire actuellement avec les représentants des étudiants, des personnels et des présidents d’université. Le gouvernement a simplement l’intention d’aller vite. De plus, d’autres chantiers sur l’enseignement supérieur s’ouvriront rapidement, notamment sur les conditions de vie des étudiants.

Il suffit de voir comment la loi a été votée en moins de deux mois pour être sûr de l’appliquer dès la rentrée. De plus, dans la logique de la politique spectacle sarkoziste nous savons que les syndicats ont été invités pour faire croire qu’on allait les écouter. Aussi c’est une réflexion mener par la droite dans laquelle la gauche n’a aucunement pu donner son avis. Ainsi c’est d’une manière obtuse et arbitraire que ce projet de loi a été proposé.

Puis comme le dit l’UNI sans précipitation mais le gouvernement a simplement l’intention d’aller vite.

mercredi 22 août 2007

Crise des "subprimes" ou crise d'un système

Sommes-nous confrontés à un nouveau jeudi noir ? La fermeture de trois fonds de la Banque BNP Paris Bas a déclenché un vent à la baisse sur toutes les places boursières. A l’origine de la panique expliquent les commentateurs, il y aurait les « subprimes ». Ces prêts immobiliers accordés aux ménages nord-américains les moins solvables et que leurs débiteurs pourraient de moins en moins honorer. Comment ces subprimes pourraient-elles déclencher une telle panique ? On nous explique que c’est parce qu’en fait elles se seraient logées dans tous les portefeuilles, dans les SICAV les plus sûres… Mais les subprimes ne sont que la partie la plus visible de l’iceberg d’une économie capitaliste spéculative. Un autre phénomène très important à comprendre pour nous Français serait en quoi la politique économique de Sarkozy admirative de la spéculation étasunienne entre t-elle dans des mécanismes de ce type ?
Danielle Bleitrach
Les subprimes de quoi s’agit-il ?
On nous présente la crise comme étant liée au fait que les ménages nord-américains non solvables ont été incités par des prêts à acheter des logements. Le portefeuille de prêts immobiliers en trois catégorie en fonction des notes de crédit des emprunteurs: “subprime”, “non-prime”, et “prime”.
« Or ces derniers temps, et plus fortement dans l’année écoulée, trois tendances se sont conjuguées : la stagnation ou la baisse des salaires réels, la baisse des prix des terrains et des immeubles et la hausse des taux d’intérêts. »(1)
La stagnation des salaires réels est intervenue à partir de 2001 et malgré la pression des demandes d’emploi, le réajustement des salaires a été contenu par la précarité, le rêve du MEDEF. La baisse du prix des terrains et de l’immobilier n’avantage que ceux qui auraient les moyens d’acheter au comptant, les autres qui à un moment quelconque sont obligés de réaliser leur biens se retrouvent avec un bien moins cher, dont ils doivent continuer à payer les intérêts en hausse. (2)
Or les prix ont commencé à redescendre depuis quelques mois. Comme les taux d’intérêt grimpaient, il leur était de plus en plus difficile d’honorer leurs prêts. Plusieurs ménages endettés, qui croyaient faire une bonne affaire, ont cessé de rembourser leurs prêts hypothécaires.
Enfin il faut voir que la crise dite des subprimes part des pauvres surendettés, précarisés, au chômage, mais atteint de plus en plus des couches beaucoup aisées de la population (3).

Dans une présentation de son exposition au marché dit “subprime”, ou crédit hypothécaire à risque, AIG le numéro un mondial de l’assurance et l’un des plus grands prêteurs immobiliers a déclaré que la proportion totale de défauts dans son portefeuille immobilier de 25,9 milliards de dollars avait atteint 2,5%. Il a précisé que 10,8% des prêts hypothécaires “subprime” affichaient un retard de paiement de 60 jours, mais également 4,6% des prêts de la catégorie juste au-dessus. Tout en se disant toujours “à l’aise” vis-à-vis de son exposition au crédit immobilier, AIG a déclaré que le taux de défaillance dans ses prêts hypothécaires de premier rang avait grimpé à 3,98% en juin contre 3,56 en avril et un plancher de 3,08% en juillet 2005. Ces prêts représentent 90% des prêts immobiliers d’AIG aux Etats-Unis.A la date du 30 juin, la branche financière d’AIG, qui accorde des prêts hypothécaires de premier et second rang, avait enregistré 3,68% de défaillances dans le subprime, 2,13% dans le non-prime et 0,81% dans le prime.(4)

Dans les situations de défaillances, les banques saisissent les biens immobiliers pour les vendre aux enchères, ce qui pousse les prix à la baisse et enclenche une nouvelle vague de défauts de paiements. À chaque fois, les établissements prêteurs ne récupèrent qu’une partie de ce qu’ils ont prêté. C’est ainsi que certains prêteurs hypothécaires américains ont fait faillite dernièrement.
A Wall street le 7 août, American Home Montage Investissement Corp, un organisme de refinancement des prêts hypothécaires a déclaré qu’il était en défaut de paiement et il a licencié le 10 août 600 de des 7000 employés. Mais ce n’était pas le seul, d’abord Bear Stearns, la banque d’investissements a vu deux de ses fonds spéculatifs (hedge fund) ruinés et un troisième en grande difficulté (5). Le jeudi 9 mai, c’est la banque nord-américaine Godman Sachs qui est prise dans la tourmente des subprimes. En fait depuis une quinzaine de jours, tous les investisseurs financiers traquaient les portefeuilles des institutions qui auraient des positions risquées.
Les économistes s’entendent pour affirmer que, bien que les sommes en jeu soient considérables, ces faillites ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan des marchés d’aujourd’hui. Si toutefois la situation perdure, la confiance pourrait disparaître dans le marché des prêts. Les entreprises, les particuliers, et même les gouvernements auraient alors de la difficulté à emprunter. Le crédit étant essentiel au bon fonctionnement de l’économie, une récession pourrait survenir.
Effectivement c’est ce qui semble s’être bien passé le fameux jeudi 9 août. Depuis plusieurs semaines on parlait des difficultés de la Banque allemande WestLB (17 milliards de dollars dans les subprimes nord-américaine), c’est de BNP Paris bas qu’est venu la décision de fermeture des fonds.
A cette annonce les banques ont refusé toute opération de refinancement, de prêts aux autres établissements financiers. Une sorte de mesure contre la fièvre aphteuse au niveau bancaire, ce qui s’est immédiatement traduit par une envolée du taux des prêts interbancaires (passant de 4,10 à 4,70). Le loyer de l’argent a alors atteint le taux le plus élevé depuis 6 ans.
C’est cette situation que les banques centrales ont prétendu éviter en injectant des liquidités. Elles prêtent aux banques l’argent qu’elles ne trouvent plus sur le marché monétaire, afin que celles-ci puissent continuer à jouer leur rôle de prêteurs. Mais la réaction très rapide et massive des Banques Centrales fait mesurer que la situation risquait de dégénérer et que nous étions au-delà du problème des subprimes. Et la réaction a été au premier chef celle de la Banque Centrale Européenne. Pourquoi ? La Banque Centrale Européenne (BCE) est intervenue une première fois elle a injecté 94,8 milliards d’euros pour remédier à cette pénurie de liquidité. A ce jour la BCE a injecté plus de 130 milliards d’euros. C’est-à-dire plus que face aux attentats du 11 septembre 2001 ? Pas mal pour le non paiement des dettes des ménages non solvables en matière de prêts immobiliers. La FED et à peu près toutes les autres banques centrales de la planète se sont mises à injecter des liquidités.En effet s’il s’agissait seulement des subprimes nord-américaines, on comprendrait mal le phénomène. Même si elles se combinent avec une crise de l’immobilier aux Etats-Unis qui touche des couches plus aisées que les ménages non solvables.
Mais si cette explication était totalement insuffisante ?
Décidément les subprimes ne sont là encore que le niveau visible de l’iceberg.Il faut bien voir que la crise des liquidités n’est pas simplement lié au défaut de paiement des ménages non solvables nord américain, mais c’est tout le système de financement de l’économie par le biais des CDO, des jeux monétaires, qui est en cause. En quoi des sommes importantes non honorées, représentées par les subprimes, mais sans commune mesure avec le marché boursier peuvent-elles déboucher sur la crise ? En fait dans le contexte du boom immobilier de 2000 à 2005, des prêts ont été consentis à des ménages dont le profil financier n’était pas solide. Ces prêts ont été « titrisés », c’est-à-dire transformés en titres financiers qui ont servi de socles à toute une gamme de produits dérivés (CDO). Au moins deux phénomènes se mêlent le surendettement, une consommation surgonflée par un surendettement qui ne correspond pas aux revenus salariaux et pas seulement des plus pauvres, devient de plus en plus poussive et fait peser des risques sur l’économie, en particulier à travers le marché immobilier. Un deuxième phénomène est celui des conditions d’achat à crédit des entreprises par des sociétés financières.
A travers les bourses et la financiarisation de l’économie nous avons une extension planétaire du « Carry trade », de quoi s’agit-il ? Tout simplement de jouer sur la différence du coût du crédit dans une place pour investir dans une autre avec l’argent emprunté ailleurs. Ce qui se combine avec les LBO, a crédits servant pour des opérations de rachat par endettement (”leverage buyout”, LBO)..
Le carry trade consiste à jouer sur les monnaies et les taux d’intérêt de pays à pays, le Japon vers un autre pays puisqu’on on emprunte de yens à un taux d’intérêt de 0,5% pour investir par exemple en Nouvelle Zélande où les taux d’intérêt sont à 8% ou on achète des bons du trésor etasunien. Ce qui fonctionne bien tant que le yen baisse, mais si le yen monte et tout indique qu’il est parti à la hausse, cela peut aboutir à des pertes énormes. Autre facteur d’inquiétude actuel. (4).
Mais la carry trade joue également dans l’utilisation des fonds empruntés toujours au Japon, qui a joué ces dernières années un taux d’intérêt quasi inexistant, pour être placés dans des obligations à haut rendement (CDO et CLO). On emprunte à crédit pour acheter des entreprises et revendre aussitôt.
Nous avons donc une économie de casino qui engendre des phénomènes spéculatifs, mais cette spéculation n’est pas purement virtuelle, elle repose dans tous les cas dans sur un renforcement de l’exploitation, un accroissement monstrueux des inégalités au niveau planétaire.
Spéculation et hauts rendements
Comment créer de hauts rendements ? Il y a les entreprises que l’on restructure, dont on gonfle les performances pour les actionnaires boursiers. Un exemple récent, la multinationale anglo-hollandaise Unilever annonce une augmentation de 16% de ses bénéfices au second trimestre 2007, et elle annonce dans la foulée la suppression de 20 000 emplois dans le monde - 11% de ses effectifs -, dont la plupart en Europe. C’est un mécanisme bien connu décrit par une dépêche de Radio Canada : “Unilever (…) prévoit que ses bénéfices continueront d’augmenter à la suite des suppressions de ces emplois. Les investisseurs ont très bien accueilli l’annonce de ces mises à pied qui réduiront les coûts et feront augmenter les profits. effectivement cette annonce a propulsé l’action d’Unilever en hausse de 8 % à la Bourse d’Amsterdam.Chacun mesure bien ce que cet exemple devenu système signifie de surexploitation, de délocalisation, et donc qu’au bout de la chaîne de ces prédateurs il y a le chômage, la précarité, et même le suicide des salariés. Ou comment l’économie virtuelle financière gouverne l’économie réelle que l’on prétend aujourd’hui en bonne santé et donc susceptible d’amortir la crise financière. sans doute comme la baisse des salaires n’a pas fini par réagir sur les subprimes.
Mais revenons au niveau financier dont les outils sont les fonds de capital investissement et les fonds spéculatifs (hedge funds) .
Le capital investissement : il s’agit de sociétés financières qui acquièrent des entreprises, parfois en difficulté, parfois en panne d’actionnaires pour avoir les liquidités, ces sociétés achètent ces entreprises et les revendent avec de très gros profits et en faisant pour cela appel à la bourse à des financements massifs à crédit (860 milliards de dollars de titre ont été ainsi émis au premier semestre 2007, c’est-à-dire 40% de plus qu’un an plus tôt) . Leurs dettes sont placées sur le marché par le biais de titre appelés CDO. (Collateralized debit obligation).Or depuis quelques semaines, on peut même parler de mois, ces titres suscitent beaucoup d’inquiétude. Le capital investissement a de plus en plus de mal à placer leurs titres qui sont en fait des dettes, on cite le cas de KKR le géant qui n’arrive plus à placer les actions Chrysler. Le marché guette qui a des titres de ce type or les fonds spéculatifs et même ceux à moindre risque s’en sont gavés comme ils se sont gavés des subprimes. L’inquiétude face au subprimes s’est donc doublé d’une inquiétude face à un sytème plus général qui gangrène l’économie.
La BCE dans sa récente note mensuelle a signalé que les LBO (opérations de rachat par endettement : “leverage buyout”, LBO).. présentent des similitudes avec les crédits immobiliers à risque (”subprime”), actuellement en pleine crise. Selon la BCE ces similitudes “pourraient susciter des inquiétudes concernant la stabilité financière dans le cas d’un changement du cycle des crédits”. Elle note toutefois que les acteurs du marché des LBO “se connaissent en général très bien dans le secteur financier”, ce qui n’est pas toujours le cas dans le marché des “subprime”, et peuvent donc se protéger contre les faiblesses passagères. On serait rassuré si ce genre de discours lénifiant n’avait pas pris un caractère systématique, ainsi c’est la déclaration de la banque de France du 3 août qui explique que l’Europe ne risque rien. C’est Bush vantant la bonne santé de l’économie nord-américaine et le fait que suffisamment de liquidité étaient disponibles sur le marché nord-américain « pour atterrir en douceur ». Alors même que des économistes tablent sur une crise plus durable que les précédentes, parce que l’économie nord-américaine est déprimée, l’endettement des ménages fort, et parce que la bulle immobilière peut exploser dans d’autres pays. Beaucoup de ces économistes se prononcent pour une baisse des taux d’intérêt des banques centrales, ce qui comme on l’a vu est par ailleurs une incitation à la spéculation dans un système qui s’en nourrit. D’autres invitent les gouvernants et les possédants à se réfugier dans l’or.Parce que le fait est que les banques européennes se sont montrées particulièrement goulues avides de hauts rendements. Aux USA, le capital investissement représente près de 40% du marché fusion et acquisition, mais en Europe les opérations de ce type ont cru de 50% en un an, d’où l’extrême vulnérabilité et le fait que la crise s’est déclenchée en Europe avec la fermeture des fonds de BNP Paris Bas comme facteur déclenchant du jeudi noir (5). Là encore le jeudi noir dix août où se déclenche la panique sur les marchés boursiers, n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Deux remarques, ont retrouve dans les subprimes le même mécanisme que celui du capital investissement parce que les titres des subprimes rentrent dans les CDO. Deuxième remarque ce ne sont pas seulement des ménages à qui on a prêté abusivement de l’argent qui sont touchés ce sont des couches plus aisées.
Ce qu’il faut bien mesurer donc c’est qu’il ne s’agit pas seulement du seul secteur des prêts immobilier par une clientèle étasunienne non solvable, mais que le boom immobilier, le surendettement auxquels était invité les ménages correspondait au mode de développement global de l’économie, elle-même basée sur le surendettement et les hauts rendements à partir de la pression sur les plus pauvres. Il faut bien mesurer que les Etats-Unis sont à la source du phénomène, mais celui-ci s’était mondialisé et la crise des « subprimes », en fait des CDO, s’est rapidement étendu et a obligé la plupart des banques centrales à injecter des liquidités. Enfin il faut voir que la crise dite des subprimes part des pauvres surendettés, précarisés, au chômage, ne serait-ce que par le biais de la crise immobilière étasunienne, mais en fait cette crise atteint des couches beaucoup aisées de la population .
Quelle que soit l’issue de cet épisode de crise, il est évident que les subprimes ne sont que l’effet déclencheur comme récemment l’a été la décision de limiter les transactions à la Bourse de Shangai. Ce qui apparait clairement dans cette nouvelle crise est qu’un système d’exploitation de plus en plus aggravé tant dans les pays du sud que désormais l’existence d’un sud à l’intérieur du nord et qui s’étend à des couches de plus en plus large, combiné à une économie virtuelle de spéculation, ne peuvent qu’engendrer des crises à répétition, ce que Marx dans le Manifeste définissait déjà comme des crises de surproduction. Et comme chaque crise aboutit à une pression accrue de l’exploitation, une tentative pour extraire toujours plus de profit du travail, l’effet de crise s’accentue, avec ses symptômes un chômage qui perdure et d’étend, une croissance qui demeure poussive et ces vagues de panique.
Dans un récent article ici même, je vous expliquais que le véritable problème que soulevaient les « vacances de Sarkozy » était sa vassalisation aux Etats-Unis. Jusqu’où va-t-elle. Ce qui est sur c’est que son adhésion au modèle nord-américain est lisible dans ses choix économiques, ceux qui sous couvert du « enrichissez vous » exerce une pression insoutenable non seulement sur les couches les plus défavorisées, mais également sur les couches moyennes, qui utilise le surendettement y compris budgétaire comme l’instrument d’une recomposition du budget de l’état vers toujours plus de privatisation, vers la mise en coupe réglée des services publics.
Danielle Bleitrach

(1) Dans Grand soir, article de Vincent Présumeyhttp://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5336“Hausse des taux et prix des terrains et des bâtiments sont liés par une relation qui est l’un des rapports sociaux les plus irrationnels du mode de production capitaliste : le prix foncier est formé par capitalisation de la rente foncière, c’est-à-dire que le loyer moyen (ou, pour des terres agricoles, le fermage) est considéré comme l’intérêt d’un capital qui est le prix du terrain. Mathématiquement, si les taux d’intérêt montent les prix fonciers baissent, et inversement. Etrangement, mais ce rapport social fonctionne bel et bien, cela veut dire en partie que moins c’est cher, plus vous payez ! (c’est là la clef pour analyser le lien étrange entre loyers et prix immobiliers, abordé dans l’article Bulle immobilière : le krach menace, www.legrandsoir.info/article.php3 ? (…) Avec les subprime mortgage, la boucle est bouclée : la transformation des salariés en “propriétaires” aboutit à leur expropriation encore un peu plus achevée, leur propre salaire leur étant repris sous forme de prix fonciers (rente) et d’intérêts à payer pour l’éternité. C’est au moment même de la proclamation du salarié comme propriétaire que s’achève en fait son expropriation et qu’il devient un pauper. “id_article=2927″
(2) Dans le même article : “Or, les taux d’intérêts ont nettement remonté aux Etats-Unis depuis un an et demi, malgré la Fed qui s’est alignée sur cette tendance et ne l’a pas suscitée -cette perte de contrôle partielle de la Fed sur les taux US est d’ailleurs un fait économiquement et politiquement nouveau.Ce renchérissement de ce qu’il est convenu d’appeler le “loyer de l’argent” est en effet, au fond, une réaction à la baisse comparative du dollar par rapport aux autres monnaies, surtout l’euro, et en partie une réaction à la difficulté relative croissante de placer des bonds du trésor US à l’étranger, où des quantités énormes se trouvent déjà, la plus grande concentration se situant … en Chine. ” Sur cette dernière question voir l’article de Paul Craig Roberts. “Oncle Sam, votre banquier vous en avisera”. L’article émet l’hypothèse que la nouveauté de la situation est que la FED (réserve fédérale) ne contrôle plus les taux d’intérêt et que Wall street et la maison blanche, de fait tout l’occident, sont obligés de plier devant la Chine. “Si les marchés financiers occidentaux sont assez intelligents pour comprendre le message, les taux d’intérêt US monteront sans se soucier de toute autre action de la Chine. En ce moment, la Chine n’a pas besoin de vendre une seule obligation. En un instant, la Chine a fait comprendre que les taux d’intérêt US dépendent d’elle, pas de la Réserve Fédérale.” http://www.alterinfo.net/Oncle-SAM,-votre-banquier-vous-avisera-maintenant_a10388.html?PHPSESSID=38782bf1085246b77b14088b6f9b1230 . C’est l’analyse que nous faisons dans Les Etats-Unis De Mal empire. Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud. Aden ed. 2005
(3) A la fin juillet, la société Country wide Financial, leader du crédit immobilier residentiel nord-américain a constaté un retard de paiement significatif chez les foyers solvables aisés. Angelo Mozilo, le patron de cette société a déclaré « les prix des maisons baissent comme on ne l’a jamais vu depuis la dépression des années 30 », le marché a-t-il estimé ne se relevera pas avant 2009.
(4) Reuters - Jeudi 9 août, 16h58. Les défauts de paiement dans le crédit immobilier sont devenus plus fréquents chez les emprunteurs de la catégorie juste au-dessus du subprime », déclare l’assureur American International Group.
(5) Notons que la méfiance vient de loin si le 10 août bear Streams perd 6,30% en Bourse, la perte est de 31% sur trois mois.
(6) Il est à noter que la crainte du relèvement du Yen a déjà produit un retour vers cette monnaie qui a accru les effets de la crise dite des subprimes. En 1998, le yen avait connu cet effet de ré-évaluation (environ 20%) qui avait laissé sur le carreau quelques spécialistes de ce carry trade.
(7) Dans le genre plus hypocrite que moi tu meurs, il faut noter le 3 août l’intervention de la Banque de France qui déclarait que la crise des subprimes ne toucherait pas l’Europe ((cf. Le Figaro de ce jour). La question qui est sur toutes les lèvres est à présent de savoir où va s’arrêter le cyclone, alors que les incertitudes planent sur les pertes exactes que la crise du “subprime” va entraîner pour les banques touchées. Et “s’il y a une chose que les marchés détestent, c’est l’incertitude”, souligne Gilles Moec, chef économiste de Bank of America. “Les conséquences ne vont pas rester limitées aux marchés financiers”, avertit Jörg Krämer, chef économiste de la Commerzbank. “La conjoncture aux Etats-Unis, et donc dans le monde, va encore longtemps souffrir des suites négatives”.