mardi 31 juillet 2007

En quoi consiste la TVA Sociale ?

Il s’agit, simultanément de :

> Réduire les cotisations sociales patronales ;
> Augmenter la TVA à due concurrence.
Autrement dit :
> Baisser le « coût du travail » pour les patrons ;
> Faire financer le manque à gagner pour la « Sécu » par une augmentation de l’impôt sur la
consommation des familles. F. Fillon a parlé d’une augmentation de 5 points de TVA à ce titre pour 2009, donc :
> Le taux normal auquel est assujetti l’essentiel des ventes de marchandises et de services en
France passerait de 19,6% à 24,6% ;
> Le taux réduit (produits alimentaires, « biens culturels ») passerait de 5,5% à 10,5% ;
> Le taux super-réduit (médicaments remboursables, presse..) passerait de 2,1% à 7,1%.
Un point en plus de TVA signifie un prélèvement supplémentaire de 6 milliards d’euros en année pleine sur la consommation des familles. Les recettes de TVA (170 milliards d’euros) représentent la moitié des recettes fiscales totales de l’Etat.
Un smicard supporte un prélèvement de 8% sur son revenu annuel du seul fait de la TVA.
En 2009, donc, ce serait 13% ! A noter que plus le revenu est élevé et moins cette proportion est forte. La TVA est l’impôt le plus aveugle et le plus inégalitaire qui soit.

I. Quels buts prétend-elle viser?
Trois buts sont évoqués par ses partisans :
> Le développement de l’emploi ;
> La lutte contre les délocalisations ;
> L’amélioration du solde du commerce extérieur de la France.

La « TVA sociale », disent-ils, n’aurait que des effets vertueux. Les entreprises qui produisent en France, bénéficiant de nouveaux allègements de cotisations sociales, auraient des coûts de production moindres.
Cela leur permettrait de baisser leurs prix de vente en France et de neutraliser l’effet inflationniste de la hausse de la TVA. Et, tandis que les importations de produits étrangers verraient leurs prix immédiatement augmenter sous l’effet de cette hausse, les
exportations à partir de la France, ne la supportant pas, seraient plus compétitives.
Et ce serait tout bon pour la croissance et l’emploi en France…au détriment, bien sûr, des autres pays. Les patrons ne seraient plus tentés alors de délocaliser, la compétitivité des entreprises étant très améliorée.

II. La réalité est tout autre :
De 1994 à 2006, ce sont plus de 170 milliards d’euros qui, en cumulé, auront été accordés aux entreprises sous forme de baisses de cotisations sociales patronales. Cela s’est accompagné :
- D’une progression du sous-emploi avec l’explosion des emplois en temps partiel contraint, de l’intérim, des emplois « aidés » et le maintien d’un chômage de masse très élevé ;
- D’une pression à la baisse des salaires, avec la mise en concurrence généralisée des travailleurs et l’incitation des entreprises à utiliser les nouvelles technologies pour réduire l’emploi, entraînant freinage de la consommation et insuffisance des qualifications ;
- D’aucune baisse des prix, mais au contraire, avec le passage à l’euro, d’une tendance à l’accélération des hausses de prix sur les dépenses incompressibles (logement, assurances, énergie, santé…) dont le poids est d’autant plus lourd dans le budget des familles que
leur revenu est faible ;
- D’une tendance à l’augmentation des profits des grandes entreprises. Ainsi, les bénéfices nets des sociétés cotées au CAC-40 ont été de :

 53 milliards d’euros en 2003
 67 milliards d’euros en 2004
 84 milliards d’euros en 2005
100 milliards d’euros en 2006

- L’argent des grandes entreprises a servi de plus en plus à la finance :
En 2005, selon les comptes de la Nation, les « entreprises non financières » ont disposé de 587
milliards d’euros de ressources nouvelles ( profits + fonds publics + crédits ). Un tiers seulement de cette somme est allé à l’investissement réel en France, le reste a servi à payer des intérêts aux banques et aux autres créanciers, des dividendes aux actionnaires et à faire des placements financiers.
- Les entreprises ont de plus en plus délocalisé :
80% des bénéfices nets des sociétés du CAC-40 sont réalisés à l’étranger. Fin 2005, selon la Banque de France, le stock des investissements directs français à l’étranger atteignait 747,9 milliards d’euros contre 620,7 milliards d’euros un an plus tôt.
Et ça continue : sur un an à fin mars 2007, il est sorti pour 115,4 milliards d’euros en investissements directs à l’étranger quand il ne rentrait que pour 59,5 milliards d’euros en investissements directs de l’étranger en France.

En réalité, les baisses de cotisations sociales patronales déresponsabilisent les entreprises vis à
vis de l’emploi, de la formation, de la croissance nationale. Les profits qu’elles rendent disponibles servent aux placements financiers et non à baisser les prix pour les consommateurs ou à investir dans l’essor de capacités en France.
Elles encouragent une utilisation des nouvelles technologies par les entreprises, avant tout, contre l’emploi. Cela finit par casser les ressorts de la croissance nationale.
Ne trouvant plus, alors, la croissance nécessaire en France, les grandes entreprises vont la chercher là où il y en a : aux États- Unis et dans les pays émergents.

La hausse de la TVA accentuerait ces effets pervers :
 Elle engendrerait un prélèvement supplémentaire sur les revenus des foyers populaires ;
 Elle entraînerait une diminution de leur pouvoir d’achat du fait des hausses de prix qui en résulteraient ;
 Elle accroîtrait les inégalités car elle signifierait un prélèvement d’autant plus important sur les revenus du foyer que ceux-ci sont modestes, tandis que proliféreraient comme une lèpre les revenus financiers du capital des foyers les plus riches.

La « TVA sociale » n’empêcherait pas les délocalisations et accentuerait la guerre économique
 Du fait du freinage de la demande intérieure et de l’insuffisance des qualifications, les délocalisationscontinueraient de plus bel. Elles redoubleraient vers les pays les plus avancés, États-Unis en tête, dans le domaine des nouvelles technologies qui exigent beaucoup de qualifications, de recherche, de salaires. Mais elles ne diminueraient pas pour autant dans le domaine des productions plus banalisées, car la baisse du « coût du travail », même au niveau de 5 points de TVA, voire plus, maintiendrait la France toujours très au-dessus de la Chine, de l’Inde, des pays émergents.
Et les facteurs d’accroissement des importations en France se multiplieraient
Par contre, cela accentuerait la guerre économique, en Europe notamment, sans du tout aider au relâchement des dominations américaines ou allemandes.
La « TVA sociale » jouerait, en effet, le rôle d’une « dévaluation compétitive » pour les profits des exportateurs et d’une protection des rentes financières face à la pénétration des importations, le tout entraînant la riposte des autres pays.
C’est tout le contraire d’une coopération européenne ambitieuse pour la sécurisation et la promotion de l’emploi, de la formation, des salaires des européens.

La « TVA sociale » favoriserait l’asphyxie du pays par les charges financières contre la protection et la promotion des salariés et de leurs familles.
Elle réduirait le financement mutualisé de la protection sociale calculé sur la masse salariale, mais prélevées à partir de toute la valeur ajoutée des entreprises.
Elle accroîtrait, au contraire, la fiscalisation de ce financement, déresponsabilisant les entreprises et augmentant le poids des prélèvements sur les travailleurs et leurs familles.
Freinant la croissance réelle de l’emploi, des qualifications, de la recherche, des salaires, de tout ce qui contribue à sécuriser et à promouvoir les moments de la vie de chacun-e, elle encouragerait les placements financiers et accroîtrait le poids des « charges financières» sur les entreprises et le pays.

En 2005, selon les comptes de la Nation, les entreprises non financières se sont acquittées de 128 milliards d’euros de cotisations sociales patronales, mais elles ont eu à supporter pour 224 milliards d’euros de charges financières et de dividendes.

Répondre autrement aux problèmes posés :
L’enjeu est double. Il est nécessaire de créer les conditions d’une meilleure efficacité des entreprises opérant en France, pour sécuriser et promouvoir l’emploi, la formation, les revenus du travail et de la création. Au lieu de poursuivre dans la baisse obsessionnelle du « coût du travail » qui mine la demande et l’offre productive nationale, tout en aiguisant les facteurs de concurrence internationale, il s’agit de baisser les charges financières qui étouffent
les entreprises et de mobiliser le crédit des banques, jusqu’à la BCE, pour financer autrement la création de richesses en coopération.
Simultanément, il s’agit de réformer en profondeur le financement de la protection sociale dans un sens favorable à cette sécurisation de l’emploi et de la formation, base pour un nouvel essor des principes de mutualisation qui sont au coeur des acquis de la protection sociale, au lieu de la fuite en avant dans la fiscalisation marchant de paire avec la privatisation.
Baisser les charges financières plutôt que les « charges sociales » pour accroître l’efficacité des
entreprises :
Ce sont à ces charges financières étouffantes que le PCF propose de s’attaquer, plutôt qu’aux cotisations sociales patronales qui sont des « charges » utiles à la protection et à la promotion des capacités humaines, meilleur atout face à la concurrence internationale.
Pour cela, il propose d’en finir avec la baisse de ces cotisations et de verser l’argent public consacré à les alléger (23,6 milliards d’euros en 2006) à un Fonds national de sécurisation de l’emploi et de la formation.

Ce Fonds prendrait d’autant plus en charge (bonifications) les intérêts payés aux banques par les entreprises sur les crédits pour leurs investissements que ceux-ci programmeraient plus d’emplois et de formations.
En avançant dans la construction de cette nouvelle institution, à l’appui des luttes pour l’emploi et les salaires, on commencerait à peser pour une réorientation de la Banque centrale européenne (BCE) avec une politique monétaire encourageant d’autant plus le crédit bancaire que celui-ci servirait à financer des investissements plus créateurs d’emplois et de formation.
Par contre, elle pénaliserait d’autant plus les crédits qu’ils serviraient à financer des opérations purement financières. Cela marcherait de paire avec un recul des facteurs de mise en concurrence coupe-gorge des salariés en Europe

Tout de suite, dans les régions où la gauche est majoritaire, il est possible d’engager les premières fondations de cette construction en exigeant qu’une partie des lignes de crédit d’action et de développement économique de chaque budget régional soit redéployée pour doter un Fonds régional de sécurisation de l’emploi et de la formation.
A l’appui des luttes pour l’emploi et contre les délocalisation, ces Fonds régionaux permettrait de
commencer à engager une transformation des relations banques-entreprises sur le terrain et favoriserait le rassemblement à gauche contre la TVA sociale et pour une tout autre mobilisation du crédit et de la monnaie.

Pour une réforme profonde du financement de la protection sociale
Simultanément, le PCF propose une réforme profonde du financement de la protection sociale. Une mise à contribution des produits financiers des entreprises et des banques marcherait de paire avec un nouveau calcul de la cotisation sociale patronale.
Celle-ci, demeurant assise sur la masse des salaires versés, verrait son taux modulé en fonction d’un ratio rapportant, pour chaque entreprise, les salaires versés à la valeur ajoutée globale ( produits financiers inclus).
Ainsi serait sécurisé le financement de la protection sociale et les modalités retenues pour cela contribueraient à sécuriser l’emploi et la formation.
Ces propositions sont aussi une alternative au projet, avancé par le PS, de poursuivre dans la voie de la fiscalisation du financement de la protection sociale avec l’augmentation de la CSG qui ne frappe que les revenus des ménages et, pour l’essentiel, les revenus du travail et de remplacement.
De même, elle est une alternative à la proposition consistant à faire basculer le calcul d’une partie des cotisations sociales sur la valeur ajoutée des entreprises, ce qui rendrait les recettes
issues de ces cotisations dépendantes de l’évolution des profits (variables et très délocalisables), au lieu de les laisser ancrées à la seule masse salariale.

Des mesures radicales contre les délocalisations sauvages.
Il faut faire cesser le diktat des délocalisations. On peut exiger que, pendant une période de 18 mois au moins, les comités d’entreprise disposent d’un pouvoir de recours
suspensif contre toute décision de délocaliser.
Sur cette période, l’entreprise concernée, avec l’aide de ses principaux donneurs d’ordres s’il s’agit d’un sous-traitant, et dans tous les cas, du service public et social de sécurisation de l’emploi et de la formation, pourrait être tenue de créer les conditions, sinon d’un
maintien des emplois avec modernisation éventuelle, du moins d’un reclassement choisi, en interne ou en externe, des salariés dont l’emploi est vulnérabilisé.

Tout refus de la part de l’employeur concerné entraînerait le paiement en astreinte d’une forte amende journalière. De même, l’entreprise, directement ou par son réseau, qui réimporte en France des productions qu’elle a délocalisées serait soumise à une taxation fortement dissuasive.
Pour en savoir plus sur la « TVA sociale » se reporter à l’article de José Caudron et Catherine Mills dans « Economie et Politique » de mai - juin 2007.

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